Une délégation de la Cour pénale internationale était dans nos murs, pour tâter les pouls du procès du massacre du 28 septembre 2009. Dirigée par le pro-crieur adjoint de la juridiction internationale, elle a conféré avec victimes et autorités.

Au terme d’une visite de 48h qu’il a conduite dans la capitale guinéenne, le pro-crieur adjoint de la Cour pénale internationale a animé, le 28 mars dans un réceptif hôtelier, un point presse. L’occasion pour le Sénégalaid Mame Mandiaye Niang de revenir sur les poings forts de son séjour en Guinée. Il était déjà là en 2022 : avant et le jour de l’ouverture du procès du 28 septembre 2009, dossier que la CPI suit depuis 2009. Il revient, après l’évasion de l’Hôtel cinq étoiles de Coronthie d’un des accusés et non des moindres, Claude Pivi alias Coplan. Mais également au lendemain d’une dissolution du goubernement Goumou qui a pris de court plus d’un. Un changement qui a acté le départ du Garde des Shows, Alphonse Charles Wrong et l’arrivée de Yaya Kaïra-bat Kaba. Le nouveau boss de la Justice est « une vieille connaissance depuis qu’il était avocat général à la Cour d’appel de Conakry », se réjoui le pro-crieur adjoint de la CPI. Que le nouveau PM, Amadeus Oury Bah, soit également un témoin des événements jugés, ancien membre de la commission d’organisation du meeting réprimé en 2009, laisse à espérer que la procédure fuira son cours normal. « Je sors de cette visite rassuré quant à la suite, sans verser dans une forme de béatitude, sachant qu’il y a encore des difficultés », a résumé le pro-crieur Niang.

Un procès guinéen

Au cours de son séjour, le robin a été reçu à la Primature et au mystère de la Justice. Il a également conféré avec les victimes. Ouvert le 28 septembre 2022, le procès du massacre était à l’arrêt, pour cause d’incident de procédure. Le parquet a sollicité une requalification des infractions poursuivies en crimes contre l’humanité. Demande soutenue par les avocats (sans vinaigrette) de la partie civile et vigoureusement rejetée par ceux de la défense. Le tribunal de Dixinn a mis en suspens la délibération, jointe au fond. Ce qui n’a pas rassuré la défense qui craint d’être mise devant les faits accomplis. Considérant que c’est une stratégie pour refiler l’affaire à la CPI, elle a relevé appel. Ce qui a entraîné la suspension des audiences. Mais celles-ci devraient reprendre le 2 avril, selon un communiqué du parquet du tribunal de première instance de Dixinn. Sans en préciser les circonstances.

Interpellé sur le sujet, Mame Mandiaye Niang rassure : « Beaucoup de questions ont été posées. A celle de savoir si la CPI va reprendre le dossier en cas de requalification, la réponse est non. Dans l’absolu, si la Guinée se révélait incapable de mener le procès à terme, oui. Mais nous ne sommes pas dans ce schéma. C’est un procès qui se poursuit avec ses incidents et défis, les mêmes auxquels on est nous-mêmes confrontés. Nous n’avons pas une compétence exclusive en matière de crimes contre l’humanité. Quand un pays adopte le Traité de Rome, la première des choses est de le domestiquer dans son code pénal. La Guinée l’a fait bien postérieurement, en 2016, je crois. Je pense que la question est à moitié purgée, parce que la Cour d’appel a rejeté l’appel dont elle était saisie. Il n’y a plus de suspension. »

Sur l’évasion de Claude Pivi, le robin renchérit : « Un accusé en fuite, ça ne bloque pas le procès. Il y a la procédure de contumace. Même en dehors de celle-là, quelqu’un qui a été présent pendant une certaine partie du procès devrait être normalement jugé et au besoin condamné. Mais il appartiendra aux magistrats guinéens d’en faire leur propre lecture. »

Un procès qui a trop duré ?

Cela fait un an et demain depuis que le procès s’est ouvert. Si les observateurs avaient parié qu’il durerait au moins un an, son épilogue se fait de plus en plus désirer. « Ce procès doit prendre fin, en convient Mame Mandiaye Niang. Ce dilemme de vouloir entendre toutes les victimes est une réalité mais l’attente à un moment donné doit avoir une fin. Ce sont des crimes de masse, on ne pourra jamais entendre tout le monde. Sinon, le procès sort du cadre dans lequel il peut être managé. Il m’a été indiqué que les autorités qui ont initié ce procès voudraient qu’il soit clôturé avant la fin de la transition. Il faut éviter des mécomptes liés à une fermeture du procès qui laisserait en rade des victimes. On a besoin de purger le passé douloureux de la Guinée. Et en cela, les autorités du pays trouveront en nous des partenaires. »

La problématique de la réparation

Outre l’accélération de la procédure, la question de la compensation pour les victimes a également été mise sur la table. Elle soulève toutefois des difficultés. « C’est très difficile de prendre en charge les victimes, fait remarquer le conférencier. D’argent, nous n’en avons pas à distribuer au niveau de la CPI. Même pour les victimes dans les procès que nous jugeons, nous sommes obligés de recourir parfois à des fonds de secours. Il n’y a pas un budget qui leur est dédié. Nous ne le pouvons pas à la Haye, nous ne le pouvons encore moins pour les victimes en Guinée. Ce que nous avons, c’est une expertise ; un savoir-faire que nous pouvons partager avec les autorités ». Entre autres, la prise en charge psychologique des victimes et la formation des magistrats. Des assistances déjà mise en œuvre. La mise à disposition des sous, c’est ce qui traîne le pied.

Diawo Labboyah