Château de l’Afrique de l’Ouest, la Guinée mérite – t- elle encore cette identité au regard de la faible desserte des populations en eau potable. Après six décennies d’indépendance, il est regrettable de constater que l’eau courante est encore une denrée très rare par les temps qui courent.

 La distribution et la production d’eau potable à Conakry et dans nos préfectures demeure encore un véritable « casse tête chinois ». Le spectacle quotidien de personnes (femmes, jeunes et adolescents) portant les bidons jaunes en quête du précieux liquide est impressionnant. Si des statistiques étaient tenues, l’on se rendrait compte que ces bidons devraient être les articles les plus commercialisés dans le pays. A y voir de près, toutes les concessions du pays disposent d’un important stock de ces bidons. Un signe évident des défaillances dans l’approvisionnement régulier des citoyens.

Le secteur de l’eau ayant un impact certain sur la réduction de la pauvreté et la vie des citoyens, une réforme institutionnelle du secteur devrait enfin figurer sur l’agenda des priorités du gouvernement de transition.

Malgré la mise en service des nouveaux forages de Kobaya, l’optimisation de la production de Yessoulou, des forages de Kakimbo et Bassian, les besoins domestiques et industriels sont encore bien loin d’être satisfaits. D’où l’impérieuse nécessité de lever les diverses contraintes qui affectent le développement du secteur de l’eau. Au nombre de ces contraintes, l’on note une insuffisance notable d’investissements due à la fraude qui amoindrit les rendements techniques et financiers du secteur, les difficultés de mobilisation des appuis budgétaires de l’Etat et des financements extérieurs fréquemment interrompus en raison des critiques de mauvaise gouvernance dont l’Etat est régulièrement l’objet de la part de la communauté internationale. Le faible investissement a pour conséquence le manque d’équipements, la vétusté des locaux, les défauts de maintenance préventive des installations des stations et sous station de la SEG (Société des Eaux de Guinée), le manque de moyens logistiques, etc.

Il est souhaitable qu’à l’instar du secteur de l’électricité, qui enregistre plus ou moins une certaine amélioration dans la desserte, que nos décideurs se penchent rapidement sur ce secteur pour réduire progressivement la corvée quotidienne des citoyens en quête de l’eau introuvable dans les robinets de nos habitations.

                                  DIAGNOSTIC SOMMAIRE DU SECTEUR

Selon les estimations (très contradictoires en fonction des sources), la population actuelle de Conakry et ses environs est évaluée aux alentours de 3 600 000 habitants. Si on estime la norme de besoin en eau par habitant dans des régions à faible niveau de développement économique comme la Guinée à 75 litres par jour et par personne, le besoin journalier actuel de toute la population de la capitale serait autour de 270 000 m³ par jour. Or la capacité de production actuelle d’eau pour Conakry est de 164 000 m³ par jour. Autrement dit, il y a actuellement un déficit de 106 000 m³ d’eau par jour, sans compter les pertes sur le réseau !

A l’horizon 2030, dans 6 ans, lorsque la population de Conakry aura atteint 5 800 000 habitants, les besoins journaliers en eau avoisineront 500 000 m³ par jour. Soit trois fois la capacité de production actuelle. Si rien n’est fait maintenant, nous allons droit dans le mur.

1)    Les atouts (ou facteurs positifs internes)

  • La disponibilité à la SEG de personnel compétent et expérimenté ayant notamment bénéficié de l’expertise de partenaires professionnels étrangers entre 1989 et 2000.
  • Le passage d’une forme de société mixte public-privé qui rétribue des dividendes à une société 100 % Etat guinéen devrait accroître l’investissement des moyens dans l’entretien et le renouvellement des installations.
  • L’existence d’un potentiel d’extension important et donc d’augmentation du nombre de clients abonnés à Conakry et ses environs.

2)    Les faiblesses (ou facteurs négatifs internes)

  • La vétusté des installations occasionnant d’importantes pertes en eau sur les réseaux.
  • Les fraudes et les branchements clandestins, les vandalismes et autres sabotages d’installations.
  • L’insuffisance de compteurs à eau favorisant le recours massif à la facturation de clients au forfait et occasionnant ainsi le gaspillage.
  • La faiblesse du niveau de tarification de l’eau au m³ par rapport aux coûts réels de production, de distribution et d’entretien.
  • Le manque de moyens financiers de la société en charge du secteur la SEG pour effectuer l’entretien et le renouvellement des installations (infrastructures de production, ouvrages de transport et de stockage, les réseaux de distribution, etc.)
  • Le risque très élevé d’interruption presque totale de l’approvisionnement de Conakry lié à la configuration même du réseau. En effet, 80 % de la production d’eau qui alimente Conakry transite par une seule conduite.

3)    Les opportunités (ou facteurs positifs externes)

  • La disponibilité en quantité suffisante de la ressource en eau brute favorisée par la traversée du pays par de grands fleuves (le Niger, le Sénégal et la Gambie) et la pluviométrie abondante une bonne partie de l’année.
  • Le relief accidenté favorisant l’alimentation de Conakry par système gravitaire beaucoup moins coûteux que le système par pompage.
  • La bonne qualité de l’eau brute disponible qui permet la construction de systèmes de traitement simples (décantation, filtration et désinfestation) et donc moins onéreux.
  • Les perspectives de la mise en route des travaux de réalisation du 4ème Projet Eau de Conakry.

4)    Les menaces (ou facteurs négatifs externes)

  • Le manque de volonté politique d’investir massivement dans le secteur de l’eau.
  • Le problème du déficit en courant électrique pour l’alimentation des forages. Car il faut souligner que sur les 164 000 m³ de capacité de production actuelle, 24 600 m³ proviennent des eaux souterraines (c’est à dire des forages) contre 139 400 m³ provenant des eaux de surface (les barrages).
  • Le coût très élevé de réalisation de grands travaux d’infrastructures hydrauliques (barrages, stations de traitement, réseaux à grands diamètres, etc.).
  • L’absence d’entreprises et de bureaux d’études locaux compétents et capables de réaliser de grosses infrastructures hydrauliques obligeant l’Etat et les bailleurs de fonds à se tourner vers des entreprises étrangères plus chères.
  •  Le problème d’urbanisation anarchique de certains quartiers de Conakry rendant l’installation des équipements de distribution contraignante et donc coûteuse.
  • L’augmentation rapide de la population avec un taux d’accroissement naturel de 3 % par an.

                                                                                                                 Cheick Tidiane