La dissolution de l’ensemble des conseils communaux constitue l’autre coup d’Etat après celui du 5 septembre 2021. Jusque-là, la Guinée passait pour modèle en matière de décentralisation. Quelques pays africains envoyaient leurs cadres pour s’inspirer du modèle guinéen.

Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Entre élections contestées, comme le hold-up électoral que le RPG avait opéré à Matoto pour imposer son candidat ou encore, plus loin, le plébiscite que les maires de Guinée avait fait au palais du peuple pour la candidature du capitaine Moussa Dadis Camara à la présidentielle de 2010, la gouvernance locale a connu des hauts et des bas ces dernières années.

Pour autant, il existait comme une démocratie à la base. Depuis mars 2024, c’est le retour au monopartisme des années 60 et 70. Le général de corps d’armée, Mamadi Doumbouya, est aux délégations spéciales ce que le responsable suprême de la révolution était aux commandants d’arrondissements et autres maires de pouvoir révolutionnaire local, PRL.

Non seulement les délégations spéciales n’ont pas de légitimité populaire, mais elles n’ont pas de compte à rendre à la population. Le véritable patron, c’est Mamadi Doumbouya. Dans un pays où même les élus de l’opposition roulent souvent pour le pouvoir, ceux qui ont été nommés par celui-ci feront preuve à coup sûr d’excès de zèle pour leur bienfaiteur. C’est dire que comme ce nouveau putsch inquiète les défenseurs de la démocratie et de l’Etat de droit. A voir les réactions suscitées par la nomination de tel ou tel, on se rend compte que le Guinéen s’accommode de tout.

Le semblant d’adhésion populaire à cet autre coup d’Etat contre les institutions démocratiques est la preuve de l’incohérence et de l’incongruité notoires de la société guinéenne. Tantôt on est opposé à un coup d’Etat tantôt on se félicite de la nomination au poste de ministre d’un parent, un ami ou un bienfaiteur. Le cas de l’actuel Premier ministre en est une parfaite illustration.  Jusqu’à la récente nomination de M. Bah Oury son parti figurait parmi les plus petites formations politiques de la Guinée. Du moins sur la base du nombre de militants. Depuis sa consécration, le nombre de ses partisans ne cesse de croître.

Il en est de même pour les présidents de délégations spéciales. Les nouveaux promus sont qualifiés de compétents, d’agents de développement pétris de talents ou de patriotes capables de réussir là où les élus ont échoué. On ne devait pas voir pas là l’homme, mais l’acte de sa nomination. Si la loi prévoit le remplacement d’un maire pour une raison ou pour une autre, en revanche elle ne prévoit pas la dissolution de tous les conseils communaux. Les Guinéens ne devaient pas accepter cela. Le refus ne devait pas être une résistance populaire. Le vent qui n’a pas épargné un président de la République n’épargne pas un maire de commune. Mais les Guinéens devaient marquer leur désapprobation par l’insensibilité à l’illégalité.

Féliciter les bénéficiaires de cet autre coup d’Etat contre la décentralisation, c’est cautionner moralement la forfaiture. Et légitimer l’illégitime.

Habib Yembering Diallo