Aujourd’hui, le Sénégal n’est pas seulement un pays voisin, c’est une source légitime d’envie, d’inspiration, hélas une exception, un cas d’école. Nous ne pouvons pas ne pas en tirer les principales causes de nos éternels échecs. Sir Winston Churchill a dit qu’il vaut mieux faire de ses anciens prisonniers des premiers ministres que faire de ses anciens premiers ministres des prisonniers. Le Sénégal aura été l’un des rares pays du continent noir à sortir indemne de ce jeu de maux. Aussi est-il impératif d’aborder toute analyse du phénomène avec un corpus extrêmement limité de pays de la région, au risque de se laisser noyer dans l’océan de la mal gouvernance africaine.

A la force des urnes, que dis-je, des armes de la justice, baïonnettes au service de la loi, Diomaye Faye et Ousmane Sonko n’auront besoin que de deux semaines pour passer de la prison à la présidence via la primature. Churchill a dû bomber le torse outre-tombe. Là, l’on envie le Sénégal. Là, les questionnements commencent. Notamment au sein des petits royaumes de la CEDEAO, abusivement appelés républiques.

Le secret sénégalaid dans la belle CEDEAO ? Quasi de Polichinelle. Tout le monde le sait, personne ne pipe maux. Nos élites politiques se sont battues, se battent encore. Jeunesse et forces vives, itou ! Mais la boussole des FDS aidant, « les Soleils des Indépendances » dardent à géométrie variable. On mobilise tous azimuts le jour du scrutin. On vote toute la journée, des administrateurs véreux volent toute la nuit, observateurs et compagnies certifient à l’hôtel et personne pour gérer efficacement ce moment crucial, imposer la vérité des urnes, spécificité sénégalaise. Du fond de la Cour, surgissent des juges suprêmes pour plomber les opérations : le Roi est réélu à une majorité confortable. Il désignera son successeur le moment venu. Rien que la paix dans la continuité et la stabilité. Amen !  Cadres et leaders sont déstabilisés, harcelés, embastillés, pourchassés. Vous les rencontrez presque partout : Cellou Dalein au Sénégal, Sidya Touré en Côte d’Ivoire, Guillaume Soro au Niger…

Les Sénégalais, eux, ont  cassé la logique pour aller en prison. Peut-être que Rebeuss est plus vivable que Coronthie, la Maca ou Robben Island. A moins qu’ils  ne sachent mieux que La Palice que pour sortir de prison pour la Présidence, il faut, au préalable, y avoir mis le pied. Dans tous les cas, et Toto ne cesse de le répéter : « On ne gouverne pas un pays par procuration. »

Sûr qu’Ousmane Sonko et Bassirou Faye ont de solides atouts en main. Ils évoluent dans un pays structuré parce que structurable. Ailleurs, il n’y a que  Président…fondateur. Président, c’est vous le pays, l’État, la nation, le père de la nation, même si vous l’avez ramassée par terre, orpheline. Les institutions de la république ne sont ni pour vous ni contre vous. Elles obéissent au doigt et à l’œil à la loi de la république et veillent au grain au cas où… Les institutions traditionnelles ne mangent pas chez vous, non plus. Elles ne régulent pas selon les us et coutures à la mode. Vassaux et nécessiteux reviendront un peu plus tard pour de plus amples explications, accompagnés au besoin, de tous les manipulateurs professionnels.

Diallo Souleymane