Le second mandat du Président Macky Sall aura bien écorné la démocratie au pays de la Téranga. En tout état de cause, il l’a mise en mal, voire en péril. S’il est incontestable que le Président sénégalais a obtenu d’excellents résultats en dix ans sur le plan des infrastructures socioéconomiques, son attitude vis-à-vis de ses opposants n’a pas été particulièrement de bon aloi. Elle a fréquemment pris l’allure d’un acharnement, d’un règlement de comptes, d’une chasse aux sorcières.

Le cas d’Ousmane Sonko est édifiant. Une guéguerre a opposé les deux hommes. Celui-là a intenté contre celui-ci maints procès devant les tribunaux sénégalais (viol d’une employée de salon de beauté, corruption de la jeunesse, diffamation et outrage), Sonko finit en taule. Notons qu’accusés respectivement de concussion et d’enrichissement illicite, Khalifa Sall (ancien maire de Dakar) et Karim Wade (le fils de son père) respectivement, sont mis en prison et contraint à l’exil. Leur condamnation coûte à Sonko son éligibilité à l’élection présidentielle du 24 février 2024 qui n’a effectivement lieu que le 24 mars 2024.

Outre le traitement sans aménité qu’il inflige à ses adversaires et qui met le Sénégal en ébullition et entraîne d’importants dégâts matériels et de nombreuses pertes en vie humaine, Macky Sall prend la malencontreuse décision de reporter l’élection présidentielle en décembre 2024 et de proroger, ce faisant, son second mandat de six mois. La méprise provoque un tsunami. Le Conseil constitutionnelle retoque le décret. Il s’en suit un quiproquo juridique. La démocratie chancelle mais tient bon. On se souvient des Fables de La Fontaine : Le Chêne et le Roseau. Aussi, on évite de mimer l’autruche en pleine tempête de sable, dans le désert. La raison vainc. La sagesse aussi. Le landerneau politique convient de la date de l’élection et de la réduction du temps de campagne. Le scrutin se tient à la date convenue, dans un environnement apaisé. Enthousiastes, Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye et le parti des Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF), y participent. Le taux de participation, notamment celui des jeunes est satisfaisant. La presse nationale et étrangère qui scrute le vote, en publie les résultats au fur et à mesure du dépouillement. Tôt, des tendances lourdes se dégagent. Elles donnent pour favori le candidat du PASTEF, Bassirou Diomaye Faye. Le plébiscite de ce dernier s’impose avant d’être acté.

En effet, l’ensemble de ses concurrents s’avouent vaincus et le félicitent avant même la publication des résultats définitifs. S’il est indéniable que ce raz-de-marée résulte de l’activisme du PASTEF, force est de reconnaître qu’il est en partie lié à la gouvernance, la paranoïa et les erreurs d’appréciation de Macky Sall, en fin de mandat.

« Tout est bien qui finit bien », dit-on. En dépit de tout ce qu’on a pu dire et écrire à propos des deux mandats de Macky Sall et de la crise politico-électorale qui les clos, on n’a pas déploré et vécu la cauchemardesque crise post-électorale qui a endeuillé et meurtri ailleurs. L’ensemble de la classe politique sénégalaise a su faire montre d’abnégation, de clairvoyance, de maturité et de hauteur d’esprit. La Démocratie sénégalaise sort de l’ornière de la démocratie pacotille, pour s’élancer vers la démocratie mature, résiliente.

Abraham Kayoko Doré