Les tricycles assurent depuis quelques années le transport urbain en Guinée. Sur la corniche nord, l’une des voies qui irriguent Cona-cris, leur présence dans la circulation est souvent source de bouchons, d’altercations et d’accidents. Reportage sur un des leurs axes de prédilection : la corniche nord de la capitale.   

Les nombreux accidents de la circulation et leur cortège de dégâts (matériel et humain) préoccupent dans le bled. Ils alimentent même les sermons dans les différents lieux de culte. Les véhicules à trois roues, surnommés bonbonnas dans la capitale guinéenne, sont parfois impliqués dans ces accidents. En peu de temps, ils se sont imposés comme principal moyen de transport sur la corniche nord de Cona-cris. Ils partent de Sonfonia, traversent Lambanyi, Kipé, Taouyah, avant de rallier le grand marché de Madina. Les tricycles et les taxis motos sont interdits de rentrer au centre administratif de Kaloum par un communiqué du mystère des Transports du 27 mars 2023. Les premiers respectent la mesure. Contrairement aux seconds.  

Il est 17h à Taouyah : la route qui borde le marché est totalement bloquée. Trois flics de la police routière triment pour débloquer le passage, en vain. Des motos et tricycles bifurquent dans le quartier. Cause de l’obstruction : trois tricycles en provenance de Madina roulent côte à côte sur une artère de six mètres de large. « Les tricycles sont au même niveau, sur trois lignes comme vous le voyez. Ceux qui reviennent n’ont plus où passer. C’est ce qui bloque la circulation », décrypte Amadou Mouctar Bah, conducteur de moto taxi sur ce tronçon.

La soif de faire recette

Ce genre de perturbation est monnaie-courante à Taouyah aux heures de pointe, et partout ailleurs. « Sur la route le Prince, c’est plus à Cosa que les bouchons sont accentués. Et sur l’autoroute Fidel Castro, c’est notamment aux marchés de Matoto et à Entag, souvent à cause des étalagistes qui occupent une bonne partie de la voie. Ce n’est pas le cas ici, remarque Amadou Mouctar. Ici, les bonbonnas sont les responsables des embouteillages, ils ne respectent rien ».

Pris à bord de son tricycle, Oumar Diallo, est l’un des rares conducteurs à avoir accepté de se prêter à nos questions. « Effectivement, beaucoup d’entre nous participent à créer les embouteillages. La route est étroite et les tricycles sont nombreux. Il faut également noter que nous ne roulons que sur cette ligne, beaucoup d’entre nous sont impatients », concède-t-il.

Certes, la corniche nord est étroite, les embouteillages presque permanents pendant toute la journée, notamment au marché de Taouyah, à Ratoma centre, au marché de Kaporo, Lambanyi centre ou encore Kobayah. L’envie de faire rapidement profit justifie l’incivisme des conducteurs : « Les conducteurs embauchés payent une recette journalière de 150 000 francs aux propriétaires. D’ici Madina, on ne fait que trois voyages par jour (aller-retour). Soit environ 100 000 francs par voyage. Quand on retranche les frais de carburant et de restauration, il n’en reste plus grand-chose. Ce qui fait qu’on est pressé pour pouvoir faire au moins les trois voyages journaliers », se défend Oumar Diallo.

Responsabilités partagées ?

Une course aux recettes qui n’est pas sans conséquence aux environs du Centre commercial de Lambanyi. « Pendant les weekends, les embouteillages durent ici jusqu’à 22h -23h. Les causes des longues files dépendent des cas. Mais ceux qui les provoquent le plus sont les tricycles, qui ne respectent pas la ligne et sont imprudents dans la circulation », en convient Mohamed Sylla, responsable des taxis motos stationnés à cet endroit. « Ce point enregistre souvent des bouchons parce que le carrefour est entouré de lieux de divertissements et d’affaires très fréquentés », précise Mamadou Bah.

Pour ce vendeur de Lambanyi, les responsabilités des bouchons sont plutôt partagées. Aux heures de pointe, notamment les soirées, il n’est pas rare de voir des teufs-teufs avancer au pas de caméléon et à la queue-leu-leu sur plusieurs centaines de mètres. Au même moment, des deux côtés de la ligne, les tricycles eux se faufilent à vive allure. Ce qui provoque parfois des accidents, comme le reconnait Mamadou Bah : « Ils causent de nombreux dégâts, en plus des accidents. Les égratignures des voitures et les altercations avec les taxis motards. Il n’y a pas un jour qui passe sans qu’il n’y ait un accident qui implique un conducteur de tricycle, soit entre eux, soit avec les voitures ou les motards. »

Des riverains de la corniche nord pointent du doigt également la responsabilité de la police routière dans les bouchons. La flicaille règle souvent ses différends avec les chauffards indélicats au milieu de la voie.

Diarouga Aziz Balde