Il y a quelques jours, ayant reçu par une personne interposée l’émission Opinion de Walf TV dont j’étais l’hôte, à l’invitation du talentueux Pierre Édouard Faye, l’ancien dictateur sanguinaire Alpha Condé, président de la Guinée Conakry qu’une junte militaire a renversé en septembre 2021, demande et obtient qu’on lui donne mon téléphone. Sitôt dit, sitôt fait. Et le voici, sans tarder, qui m’appelle, guilleret, comme si nous avions continué de garder les vaches ensemble.

Adama, s’écrie-t-il, tu m’as oublié. Et d’ajouter, dans une offensive verbale soutenue: “Tu m’as appris comment parler à la radio mais tu n’es jamais venu me voir à Conakry quand j’étais au pouvoir”. Il pense m’avoir dans son sac. “Installe Signal et Telegram, (deux logiciels de communication digitale discrète), puis va voir Hasan H pour qu’il te remette des documents”, renchérit-il.

Intérieurement, je pouffe de rire. Avant de lui dire, Alpha, n’oublie pas que tu as lâché les gens qui ont lutté naguère pour l’avènement de la démocratie en Guinée et ton accession au pouvoir”. Je le sens sonné. Il ne s’attendait pas à pareil uppercut. L’idiot ! J’ajoute: ” tu te souviens de nos luttes de Paris à Yamoussoukro (aux obsèques du Président Houphouët Boigny), Londres à Libreville, Conakry, Dakar et ailleurs ou des repas que tu nous préparais chez toi à Paris, à la Place d’Italie, dans le 13ème arrondissement, où nous refaisions le monde en bâtissant nos rêves?”

“Souviens-toi, combien, avec d’autres, je t’ai aidé”.

J’assène, chirurgical: “Tu as trahi”. KO-debout, il accuse le coup….

Visiblement, il pensait m’entraîner dans son discours fumeux et fumiste. Comme si tout au long de sa gestion de la Guinée, il n’avait pas fait tuer froidement des dizaines de ses opposants; comme s’il n’avait pas failli en venir aux mains avec moi :   Adama, tu as écrit que Yaya Jammeh est en Guinée, tu ne perds rien pour attendre, hurla Alpha sous mon rire narquois alors que le personnel de l’Union africaine, interloqué, n’en revenait pas de sa posture belliqueuse…qui dégradait l’image de l’Organisation panafricaine dans la salle de plénière  à Addis-Abeba dont, perché  sur son imperium, il venait d’être élu, en février 2017, Président en exercice ; et comme s’il n’avait pas, tout au long de sa présence au sommet de l’État guinéen, hermétiquement fermé son pays à ses amis des années de braise, s’il n’y écrasait pas de sa morgue insultante les rares qui avaient forcé son accès, tel le pauvre et indigne Bernard Kouchner, celui-là, pourtant, qui avait bidouillé l’élection présidentielle de 2010 pour faire de lui le Chef de l’État de ce pays devenu, ce faisant, le laboratoire de ses menées autocratiques.

Je n’ai que du mépris pour cet opportuniste alors que je le vois déployer ses charmes dans l’espoir de me recruter dans ce qui est, à l’évidence, son nouveau projet: reconquérir le pouvoir avec l’aide des soutiens qu’il recrute à tout va, sans foi ni loi, y compris Cellou Dalein Diallo, son opposant d’alors qu’il avait tellement malmené et privé d’au moins 2 de ses victoires électorales…

Charleye de serpent, ne jouant plus de l’arrogance qui, au pouvoir, fut sa marque  de fabrique, il roucoule. Il a mis sa caméra pour que je voie sa forme physique étincelante depuis la Turquie d’où il m’appelle. Sa langue de vipère est cependant restée intacte. “Doumbouya”, son tombeur militaire, dit-il, le repérant à satiété, est “un narco trafiquant”.

Ses éclats de rires sournois suscitent mépris et rires jaunes de ma part. Tout à son plan de m’enrôler dans sa stratégie de reconquête du pouvoir, il ne se doute de rien. Le jour où il m’a appelé, ce fut un harcèlement téléphonique qui s’en suivit: près de 15 fois, il a rappelé pour forcer mon soutien. Et effacer sa lâcheté et ses trahisons, ses tueries au pouvoir. Son forcing d’un 3ème mandat à la tête de la Guinée aussi illégitime qu’illégale, braqué, obtenu dans une mer de sang.

Quand j’ai récupéré les documents qu’il tenait tant que je reçoive, et qui n’étaient que de la piètre promotion de sa personne faite par François Soudan de Jeune Afrique et quelque autre scribouillard, un Centrafricain, cela m’a rappelé le héros de sa jeunesse : le dictateur albanais, Enver Xodja, à qui il avait consacré un opuscule dans sa jeunesse. En allant au lit après cette journée de drague déchaînée et honteuse à laquelle il m’avait soumis, la cause, dans ma tête, était entendue.

Tôt, au réveil, mon premier réflexe fut de lui envoyer un message vocal ferme pour lui dire, en résumé: “Alpha Condé, va te faire foutre: pauvre salaud, si tu crois pouvoir te servir de moi comme d’une échelle pour arriver à tes fins pouvoiristes et democraticides, tu te trompes”.

Depuis lors, il a disparu de mes radars. J’avertis les Guinéens et les autorités de ce pays sur cet escroc qu’il faut mettre définitivement hors d’état de nuire. Alpha Condé, à toi, je dis d’arrêter ton char ! Tu es découvert, minable et ingrat opportuniste.

Adama Gaye, auteur de Demain, la nouvelle Afrique,

 Éditions l’Harmattan, Paris.