S’il a fréquemment été au centre de controverses plus ou moins vives, le franc CFA fait l’objet, ces dernières années, de critiques acerbes. Nombre de ses détracteurs le considèrent comme l’une des causes fondamentales du sous-développement des Etats qui l’utilise comme monnaie et préconisent son abandon pur et simple au profit de monnaies nationales ou d’une nouvelle zone monétaire plus apte à promouvoir l’économie des Etats membres. L’histoire du franc CFA est concomitante à celle des colonies françaises d’Afrique.

En 1946, l’ancien Empire colonial français va se regrouper en union monétaire sous des appellations différentes : Départements d’Outre-Mer, Territoires d’Outre-Mer, Territoire sous-Mandat, etc. Ces territoires deviendront autant d’entités d’émission monétaire créées pour évoluer dans une «zone franc» qui va comporter une monnaie directrice, le franc métropolitain et des monnaies satellisées. C’est ainsi qu’est né le franc CFA (Colonies Françaises d’Afrique), le 26 décembre 1945, à la parité de 1 franc CFA­­ pour 1,70 FF.

En 1958, le franc des colonies françaises d’Afrique devient le franc de la communauté française d’Afrique et signifie désormais «Franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale» pour les pays de la CEMAC et «Franc de la Communauté Financière d’Afrique» pour les pays membres de l’Union Economique et monétaire Ouest-Africaine (UEMOA). Ces deux monnaies sont respectivement émises par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique Centrale et la Banque Centrale des Etats de l’Afrique Centrale et la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Il faut noter que jusqu’au 12 janvier 1994, la parité était de 1 FF pour 50 CFA ou 1CFA pour 0,02 Franc français.

Depuis cette date, le franc CFA a subi un réalignement par rapport au franc français, une nouvelle parité a été définie au taux de 1 franc français pour 100 francs CFA ou 1 F CFA pour 0,01 franc français. Avec la création de la monnaie unique européenne et l’arrimage du franc CFA à l’Euro, la parité FF/Euro a été fixée à 1 Euro= 6,55957 FF, soit de manière mécanique 1 Euro = 655,957 F CFA.

La fonction du Franc CFA dans l’expansion de l’économie nationale des Etats membres a été toujours diversement appréciée, évaluée. Les intellectuels (politiques, économistes, spécialistes du développement) abordent le sujet sous l’angle de leur positionnement idéologique. Pour ceux qui se réclament de la gauche et qui sont porteurs des thèses socialistes ou social démocratiques, le Franc CFA est une monnaie néocoloniale qui ne peut être un facteur de développement des économies des Etats qui l’utilisent. A cet effet, ses pourfendeurs dénoncent la présence de la France dans la gouvernance de la monnaie, la garantie du Trésor français et l’arrimage du FCFA au FF, puis à l’Euro et enfin les transactions au niveau du compte des opérations des deux banques centrales du FCFA. Cette catégorie d’intellectuels vouent aux gémonies la monnaie africaine qu’elle accuse de desservir plus les économies africaines qu’elle ne les sert et souhaitent l’émergence et l’épanouissement d’une nouvelle monnaie véritablement panafricaine, loin de toute étreinte paternaliste néocoloniale.

En face, des intellectuels libéraux et néo-libéraux prennent le contre-pied des thèses développées par les premiers. Ils font l’éloge du FCFA, vantent les performances des économies des Etats membres de la zone CFA (Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun). Ils insistent sur la non- participation de la France aux instances de gouvernance du FCFA. Mahamane Alassane Touré, Directeur du compte des Opérations de la BCAO, rejette d’une chiquenaude, les critiques faites habituellement à son service. Les positions restent tranchées, les échanges vifs. Mais il ressort de l’observation empirique que les Etats qui ont une monnaie nationale souveraine n’ont pas enregistré une croissance économique plus vigoureuse que les autres. L’origine des piques contre le CFA n’est donc pas d’ordre économique, mais historique.

Abraham K. Doré