Depuis 22 ans, du 25 novembre au 10 décembre, c’est les 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre. En Guinée, de plus en plus d’acteurs y travaillent, mais le chemin est encore long. Comme Mme Djeinabou Diallo Sylla, activiste sociale, présidente d’ONG, Dr Mouctar Diallo, médecin légiste, dresse un tableau peu reluisant de la lutte. Selon lui, il y a plusieurs difficultés auxquelles font face les victimes, surtout à l’arrière-pays.
« Dans la chaîne pénale, la manière la plus drastique de combattre les agressions sexuelles est de passer par la procédure judiciaire, prévue par la loi. Dans cette procédure, la médecine légale joue un rôle triangulaire, de jonction entre les faits subis par la victime et les décisions de justice. Parce que le judiciaire n’a pas une expertise sur l’être humain, il faut donc qu’il y ait un expert médical qui puisse confirmer ou infirmer qu’il y a eu sexualité, qu’elle pouvait être non consentante et qu’elle a entraîné des dommages qui peuvent constituer des préjudices pour la victime. A partir de cette conclusion du médecin légiste, le juge qui est appelé à trancher, peut aisément comprendre que l’accusé est en porte-à-faux avec la loi. Sans la médecine-légale, il est impossible de fournir le troisième élément de la justice qui est la preuve matérielle, très pesant dans la balance judiciaire.
Toutefois, nous constatons un retard énorme de consultation des victimes. Cela pèse considérablement sur l’élucidation des preuves médicales nous permettant d’établir un rapport médico-légale. Il y a ensuite la prise en charge financière qui fait défaut. Sur certaines victimes, il peut y avoir plusieurs types d’examens à effectuer. Des examens d’exploration biologique ou imagerie (radio ou échographie). Et au-delà, il y a parfois besoin de recourir à d’autres experts médicaux. Tout ceci est payant. Mais qui prend en charge ? les frais de justice n’existant pas. C’est pourquoi, nous avons des difficultés de précision dans l’élucidation qui est portant primordiale dans la gestion des agressions sexuelles.
Aussi, nous ne disposons pas de conditions d’accueil reluisantes. Le service de médecine-légale est logé dans une salle exiguë qui est le bureau de consultation et de rédaction de rapports de l’unité de victimologie de l’hôpital Ignace Deen. S’y ajoute l’indisponibilité d’unités médico-légales à l’intérieur du pays. Il y a quelques temps, le chef de la médecine-légale, le Pr Hassane Bah, a formé des jeunes médecins et les a affectés dans certaines régions du pays. Malheureusement, des difficultés constantes ont mis fin à cette initiative. En cas de victimes à l’intérieur du pays, il n’y a pas d’experts pour faire le travail.
Décentraliser le service de médecine-légal dans tout le pays permettrait non seulement d’améliorer la prise en charge des victimes, mais aussi les tribunaux pourront juger les affaires d’agressions avec conviction, sans tergiverser. »
Propos recueillis par Asmaou Barry