Si on en croit la clameur populaire qui monte du côté du Mali, il n’y a plus d’atome crochu
entre la junte et les forces vives qui ont favorisé et conforté sa victoire contre le système IBK.
Sur les berges du fleuve Niger, la verve politique est dominée par deux verbes : suspendre et
interdire. Les partis politiques et toutes organisations à caractère politique sont suspendues ;
toutes les activités politiques sont suspendues ; il est interdit à la presse de couvrir toutes
activités de nature politique. Trêve de complaintes pour les politicards du bled et leurs
thuriféraires !

Là-bas, comme en mai 1964, à la Sorbonne, à Paris, on devrait interdire d’interdire. Là-bas, à
force d’interdire, la Transition a perdu ses oripeaux : le souverainisme, le panafricanisme, la
dignité nègre, la liberté retrouvée après celle galvaudée des indépendances, il y a plus d’un
demi-siècle. Elle a même perdu son imam Dicko dont le rôle a été déterminant dans la chute
du Président Ibrahim Boubacar Keita. Le pauvre imam déboussolé est allé se réfugier en
Algérie. Une bordée d’insanités l’y a accompagné. A présent, tout ce que le Mali compte de
formations politiques de réputations, de structures faîtières respectables, de leaders d’opinion,
est vent debout contre ceux qui gèrent le pays. Les arrestations, les brimades, les suspensions,
les interdictions, les humiliations n’y ont rien pu, jusqu’à présent. La colère tantôt sourde,
tantôt assourdissante, va crescendo à l’aune des couacs des Choguel Maïga et compagnie.

L’argument sécuritaire évoqué pour bâillonner les politicards et les activités de la société
civile avait déjà été servi à la communauté internationale et aux Maliens pour détricoter de
vieilles amitiés et de féconds partenariats du Mali. Ainsi, on a vu les responsables de la
Transition compromettre la vieille coopération franco-malienne qui avait permis de libérer les
cités ancestrales du centre du Mali (Gao, Tombouctou, Djenné), de l’occupation djihadiste.
Dans la même logique, le chef de la junte, Assimi Goïta et compagnie, ont expulsé les
ambassadeurs de la CEDEAO, de l’UA, le Représentant de l’ONU. La Russie, Poutine et
Wagner les avaient ensorcelés, envoûtés ! Ils oubliaient que de 1960 à 1968, l’URSS avait été
aux côtés du Mali et de Modibo Keita avant d’être priée d’aller planter ses pénates ailleurs. Si
la coopération de l’époque avait été franchement fructueuse, les responsables maliens
l’auraient-elles si facilement remise en cause ?

Dès qu’elle s’est emparée du pouvoir, la junte a multiplié les erreurs d’appréciation. Elle s’est
braquée contre la France, l’Union africaine, les Nations unies, le G5, des voisins tels que la
Côte D’Ivoire. Des Etats membres de l’Union européenne qui combattaient le terrorisme à ses
côtés, n’ont pas échappé à son ire.

Depuis que tous les indésirables ont quitté les dunes sahariens et que les FAMA ont, dit-on,
monté en puissance, le seul résultat tangible atteint est la conquête de Kidal que seule la
communication institutionnelle considère définitive, car la rébellion touarègue est non
seulement structurelle mais aussi conjoncturelle. Là-bas, on revendique une répartition plus
équitable du bonheur entre l’ensemble des citoyens du Mali, à travers une meilleure politique
de décentralisation. Point, trait.

Sans repères ni horizon temporel sur fond de rupture entre la junte et les masses populaires, la
Transition malienne a bien le feu dans l’eau. Elle s’est égarée dans les méandres des falaises
de Bandiagara.

Abraham Kayoko Doré