Après avoir, en toute illégalité, baptisé l’aéroport de Conakry du nom du tyran Sékou Touré, le Mamadi Doumbouya qui nous gouverne, a cru pouvoir se dédouaner en donnant  le nom de Barry Diawadou à une école primaire (ou peut-être un collège, je n’en sais rien au juste !) hâtivement bâtie sur un terrain litigieux. Que signifie donc ce geste : le bonnet d’âne ou les lauriers de la gloire ?  Mamadi Doumbouya rend-il hommage à l’illustre fils de Dabola ou veut- il se foutre de sa gueule ?

Mais commençons par dire aux Guinéens d’aujourd’hui qui est Barry, vu que le PDG et ses professionnels de la démagogie ont tronqué l’histoire de ce pays et fait de sa mémoire collective,  un dégoûtant tissu de mensonges. Ces cyniques ont réussi à faire croire aux Guinéens que Sékou Touré avait façonné l’Indépendance tout seul exactement comme Dieu a fondé le monde.  Ce qui est faux. En 1958, tous les partis politiques guinéens ont appelé à voter « Non » et tenez-vous bien, le PDG de Sékou Touré fut le dernier à le faire.  Dès son retour du Congrès que le PRA  (la seconde confédération politique après le RDA et dans laquelle Barry III venait de le rejoindre) venait d’y tenir, Barry Diawadou avait publiquement répercuté le mot d’ordre d’indépendance immédiate qui y avait été voté. Mamba Sano l’avait suivi peu de temps après. Le PDG ne s’est officiellement prononcé que le 14 septembre soit 14 jours avant le vote. L’honnêteté m’oblige à dire que ce n’est pas parce que Sékou Touré était contre l’Indépendance, c’est parce qu’il ne pouvait pas se prononcer avant son patron, Houphouët-Boigny.

Voilà ce que je sais de cette affaire : De Gaulle avait demandé à Houphouët de lui proposer trois Africains pour intégrer le comité de rédaction de la Constitution de la Vème République, concernant notamment le volet colonial. Ce furent Sékou Touré, Gabriel Lisette et Léopold Sédar Senghor. Mais à la dernière minute quelqu’un (on ne sait pas qui ni pourquoi) effaça le nom de Sékou Touré de la liste. Celui-ci, offusqué, décida de rentrer à Conakry.  Il rendit visite à Houphouët avant de prendre l’avion : « Qu’est-ce qu’on fait ? C’est le « Oui » ou c’est le « Non » ? » « Attendons que la Constitution soit rédigée ! », répondit le chef du RDA.

Mais à son escale de Dakar, Sékou apprend que  Houphouët a appelé à voter «Oui !» dès que lui-même a quitté Paris. Furieux, il descend  de l’avion et convoque un meeting au Cinéma Vox où il s’exclame : «Puisqu’il en est ainsi, dès mon arrivée à Conakry, je proposerai au PDG de voter «Non».

Voilà ! Dans la précipitation, c’est une conférence des Cadres et non un congrès qui a pris la fameuse décision historique. Les Guinéens ne le savent pas mais Barry Diawadou a joué un rôle crucial dans la libération de ce pays. Sans lui, la Guinée ne serait pas devenue indépendante en 1958. Savez-vous, mes chers compatriotes que contrairement à la légende, la Guinée ne fut pas l’unique pays à voter « Non ». Le Niger et Djibouti avaient fait de même. Mais le Colonisateur y avait torpillé l’élan nationaliste en manipulant les partisans du « Oui ». En Guinée, c’était impossible parce que tout le monde avait appelé à voter «Non ».

Barry  Diawadou a sauvé deux fois l’Indépendance nationale : en résistant courageusement à l’énorme pression que de Gaulle lors de son passage à Conakry a exercée sur lui  mais aussi en refusant la proposition de Massu (qui avait pour cela massé d’impressionnantes troupes dans les environs de Kédougou) de l’installer au pouvoir par la force.

Barry Diawadou vaut mieux qu’une bicoque de quartier, mon lieutenant-colonel ! Pour ce fils d’Aguibou (le dernier almamy de Dabola), pour cette noble figure de l’Histoire de la Guinée en laquelle tous les valeureux fils de ce pays se sont toujours reconnus, c’est un aéroport, un stade, une avenue, un boulevard ou une grande place, sinon rien !

Tierno Monénembo