On ne saurait le nier. Les deux dernières semaines ontétéponctuées par deux mesures dont l’objectif est, de toute évidence, de dépolluer l’air fétide qu’aucune narine ne supportait plus dans le landerneau sociopolitique. On note d’abord l’élargissement de trois activistes intraitables de la société civile : Oumar Sylla alias Foniké Mangué, Ibrahima Diallo et Billo Bah. Après les avoir sortis de l’Hôtel cinq étoiles de Coronthie où Alpha Grimpeur les avait jetés, le colonel Doum-bouillant et ses ouailles les y avaient remis. Et revoilà ces trois récidivistes respirer encore à pleins poumons l’air de la liberté. Leurs camarades du FNDC ont réclamé à cor et à cri leur libération. Un préalable non négociable à leur participation au processus du dialogue inclusif inter-guinéen. L’autre geste des autorités de la Transition pour détendre un peu plus l’atmosphère est la levée des mesures de contrôle judiciaire pesant sur des responsables politiques, dont Oussou Faux-Fana de l’UFDG et le Soropogui du parti « Nos Valeurs Communes ».

Certes, on n’a pas encore la décrispation du début de l’ère CNRD, mais on y va. « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ». Ces deux gestes ne sont pas anodins. Les autorités y voient des signaux perceptibles de leur volonté de préserver le caractère inclusif du processus de dialogue. Il faut espérer que cela soit bien compris de l’autre côté, et ait l’impact escompté pour qu’il ne soit pas un simple coup d’épée dans l’eau, le mont kakoulima qui accouche d’une souris. Il importe que chacun dilue un peu plus son concentré de « djindjan » pour que ce breuvage devienne plus digeste, titille les papilles, irrite un peu la gorge. Tout processus de dialogue requiert des protagonistes une petite dose de bonne foi et une forte dose d’abnégation, mais aussi d’amour du pays. Un proverbe konon dit : « accepter une invitation n’équivaut pas à en accepter l’objet ». C’est simplement faire montre de politesse. L’ancien président des Etats-Unis, John Kennedy, pour moquer les égos surdimensionnés, faisait remarquer que « politesse n’est pas signe de faiblesse ». Loin s’en faut.

En attendant d’autres gestes des autorités, ceux qui ne croient pas au dialogue, devraient nous envoyer, populos et grotos confondus, des signes de leur souhait d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel. D’ores et déjà, une lueur d’espoir pointe à l’horizon où, il faut l’admettre, trainent de gros nuages chargés d’averses. Par exemple, pour dégager l’horizon et desserrer la chape de plomb qui étreint la société, l’aile radicale de la société civile, peu encline au compromis, pourrait observer dans ses manifestations une trêve périodique pendant laquelle elle proposerait au CNRD et au gouvernement, une ou plusieurs propositions de solutions réalistes et constructives de sortie de crise. L’honnêteté morale et intellectuelle ainsi que la bonne foi des uns et des autres feront le reste.                            

Par ailleurs, la société guinéenne baigne franchement dans une atmosphère épouvantable de méfiance et de défiance généralisée. La confiance est une denrée rare qui n’attire que peu de monde. Dans le microcosme politique et social, chacun subodore que l’autre a un agenda caché, une feuille de route « clandestine ». On convient qu’il s’agit là d’obstacles à la réussite d’un véritable dialogue. Or, les échanges menés au sein du cadre de dialogue inclusif inter-guinéen devraient être un facteur d’accélération de la dynamique du retour à l’ordre constitutionnel, condition sine qua non à l’organisation des différents scrutins impatiemment attendus par tous. Politiques et politicards devraient se souvenir de ce jeu de mots des joueurs de dames : « Qui perd gagne ».

Abraham Doré