La semaine dernière, par monts et vaux, de la ville au hameau, les marmots ont perdu le sommeil. Ils ont vécu les affres du premier examen de leur vie. Une épreuve d’endurance intellectuelle à laquelle ils ne sont pas coutumiers mais qui va, à partir de maintenant, ponctuer leur adolescence. Ils ont gaillardement affronté avec pugnacité les épreuves du Certificat d’études élémentaires (CEE), sésame qui leur ouvre largement les portes de l’enseignement secondaire du premier cycle. Après eux, les ados seront à la peine, les jeunots boucleront la boucle. Anxieux, tout le monde attendra ce qui sortira de la boule de cristal: victimes expiatoires, parents, coupables.

En attendant, chacun égrène son chapelet ou ses cauris où il peut pour ne plus revivre les échecs cauchemardesques de l’année dernière. Tenez ! Si vous souffrez d’une petite crise d’amnésie, on peut vous aider.  Environ un petit 19% d’admis au concours d’entrée en 7è année, près de 15% au BEPC et un méprisant 9% au BAC. Que Dieu, dans son infini bonté, nous sorte de dessous les plumes des gens-saignants qui corrigent, les résultats plus flatteurs pour le pays et réjouissants pour les marmots et les leurs. On avait glosé sur ces résultats infamants, de culpabiliser hypocritement, les victimes que sont les marmots. Il ne faut surtout pas aller vite en besogne et dans la précipitation, confondre victimes et coupables.

Les adultes ne doivent pas sacrifier deux fois les marmots pour se donner bonne conscience et se prélasser en toute quiétude dans les bras de Morphée, la nuit tombée. Maintenant que les examens nationaux ont prouvé que notre système éducatif n’est pas tout à fait sain, le temps est venu de le soumettre à un profond check-up, pour diagnostiquer les pathologies et prescrire la bonne thérapeutique. D’ores et déjà, même Toto, peut dans ses élucubrations, esquisser quelques observations loin d’être stupides. Le colon français avait instauré le Certificat d’études primaires élémentaires pour en faire le premier diplôme permettant de meubler l’administration d’agents auxiliaires nègres.

À l’époque, ce parchemin était convoité, estimé. Ceux qui l’obtenaient formaient l’élite et étaient assimilables au colon blanc. Que vaut-il de nos jours ? Presque rien ! Les offreurs d’emplois n’en font plus cas et les CV ne les mentionnent guère. Alors bon sang, pourquoi en faire un filtre épais au curricula et à la carrière des marmots ? Dans un pays qui peine à accroître son taux de scolarité et où le taux d’analphabétisme des adultes est massif, n’est-il pas aberrant de recaler plus de 200 000 sur près de 250 000 candidats ? Plus stupide encore, il est interdit à ceux qui ont échoué à cet examen de poursuivre leurs études même dans les établissements secondaires privés dont la vocation est de sauver ces sinistrés. N’importe quoi ! Voilà un machin dont il faut élaguer notre système éducatif pour le plus grand bien des marmots.

S’agissant du BAC, la réforme qui a abouti à l’adoption et la règlementation des trois filières fondamentales actuelles (Sciences Sociales, Sciences Expérimentales, Sciences Mathématiques) loin d’être une révolution, est plutôt un recul. Les quelques septuagénaires et octogénaires qu’Allah dans son infinie mansuétude n’a pas encore rappelé à lui se souviennent que ces filières sont les répliques de celles des années 50 et 60, même si on les désignait par Bac philo, Sciences Ex et Maths. Intéressez-vous un peu à ce comeback, vous constaterez que ceux qui en sont les auteurs sont des ados des années 50 et 60. Ah, les réfractaires !

Depuis la fin des années 60, en France et dans les pays francophones, le baccalauréat a fait l’objet de profondes réformes qui l’ont éclaté en une myriade de filières. A chacun son BAC, selon ses aptitudes. Un brillant élève en mathématique/physique ne va pas être ajourné à cause des disciplines littéraires. Face à l’ampleur des défis et des enjeux, l’ère des retouches est révolue. Tout système éducatif doit être remis à plat pour davantage le moderniser et l’adapter à l’environnement de l’économie numérique et de l’intelligence artificielle.

Abraham Doré