Les confrontations se poursuivent au procès du massacre du 28 Septembre 2009, qui se déroule au tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’appel de Conakry. Ce lundi 22 avril, plusieurs témoins et victimes ont été confrontés à des accusés. Valentin Haba, ancien directeur général de la police, Professeur Hassane Bah, médecin légiste et le général Oumar Sanoh, ancien chef d’état-major général des armés, ont été confrontés sur la gestion des corps des victimes du massacre du lundi noir du 28 septembre 2009. Ces hauts cadres de l’époque sont non seulement en contradiction sur le nombre, mais aussi sur la gestion des corps.

Premier appelé à la barre, Valentin Haba a réitéré que le général Mamadouba Toto Camara, ministre de la Sécurité d’alors, avait annoncé au colonel Abdoulaye Chérif Diaby (ancien ministre de la Santé, dans le box des accusés) la réception de 54 corps. Celui-ci a rétorqué qu’il n’a ni convoyé, ni géré les corps. « Lorsque le général Toto m’a appelé, j’étais au ministère de la Santé avec mon équipe en train de faire le devis estimatif de la prise en charge des blessés, sur instruction du président Dadis. Il m’a dit qu’il y avait des corps au camp. A mon arrivée, il y avait trois camions. Il y a eu un premier décompte, un deuxième,  les gens n’étaient pas d’accord, puis un troisième. Après, le général Toto a appelé les médecins militaires, pour leur instruire de déposer les corps  à la morgue, chez le professeur Hassane Bah. Je me suis retourné au ministère de la Santé. Les médecins ont convoyé effectivement les corps à la morgue. J’étais là, les médecins militaires aussi. Le général Toto m’a dit : voici 54 corps, les médecins militaires vont les convoyer à la morgue. Il a même dit qu’il prend en charge les frais de préparation des corps », a expliqué à la barre le colonel Diaby.

Répondant à une question du procureur, le Pr Hassane Bah a confirmé avoir « reçu 58 corps. On ne m’a pas dit leur provenance. On m’a dit de  venir recevoir des corps qui étaient dans des camions militaires complètement bâchés, stationnés sous le soleil. Ils étaient en voie de décomposition. Le premier camion a déposé 21 corps ; le deuxième 7 et le troisième 15. Le reste, c’étaient des décès hospitaliers. Soit un total de 58 corps ».

Pour sa part, le général Oumar Sanoh, témoin, se  basant sur un rapport de la Croix-Rouge, a avancé le chiffre de 157 corps déposés à la morgue. « Je n’ai pas compté, je n’ai pas géré, précise toutefois l’officier supérieur. Je me suis basé sur le rapport. Depuis que nous avons parlé des ambulances, je n’ai plus parlé avec le colonel Diaby. » Après moult questions sur l’identité du responsable de la gestion des corps, le général a été catégorique : il n’a pas vu de corps, il n’en a également pas géré. Il s’est borné à citer le rapport de la Croix-Rouge.  

Face-à-face sans merci avec Tiégboro

De nombreuses victimes ont été confrontées au colonel Moussa Tiégboro Camara sur des propos et des actes qu’il aurait tenus ou posés, le 28 septembre 2009. Ainsi, au moins 6 victimes ont réitéré qu’il a proféré des mises en gardes aux manifestants. « Si vous rentrez à l’intérieur du stade,  vous allez trouver ce que vous cherchez » ou encore « saccagez-les », aurait ordonné l’officier de gendarmerie. Un autre d’accuser Tiégboro d’avoir déclaré: «  Quittez ici ! Si vous ne quittez pas, on va vous massacrer et arrêter vos leaders. » Comme pour dire qu’il aurait été à l’origine des exactions. Une victime a affirmé qu’elle a été incarcérée, torturée avec plusieurs autres personnes dans les locaux des Service spéciaux (qu’il dirigeait) alors logés au Camp Alpha Yaya Diallo, siège de la présidence sous Dadis.

A toutes ces accusations, l’accusé a opposé un démenti catégorique. Il s’en est pris à certaines victimes qu’il accuse d’ourdir un complot contre lui. Le président du tribunal, Ibrahima Sory 2 Tounkara, l’a plus d’une fois rappelé à l’ordre. «  Nous sommes devant un tribunal criminel, il ne suffit pas d’avancer des propos sans preuves, se défend Moussa Tiégboro Camara. C’est très grave, le pays est mal barré ! Au même endroit, au même moment, même circonstance, on me prête d’avoir dit : saccager, massacrer ou encore je vais arrêter les leaders. Je tombe des nues. Tout ça a été monté, ce sont des affabulations ! La presse était là. Pourquoi depuis 14 ans, personne n’a pu relayer cela dans les médias ? Il n’y a pas eu accrochage en ma présence ».

Mamdou Adama Diallo