Il a fallu au tribunal de première instance (TPI) de Mafanco d’attendre la sentence infligée à Abdourahame Sanoh (un an de prison ferme), le président du Front national pour la défense de la Constitution et ses compagnons de lutte par le TPI de Dixinn, avant de prononcer la sienne. Après un réquisitoire de trois ans de prison et une plaidoirie bien garnie par la défense quatre jours plutôt, la juge chargée du dossier, Djénabou Doghol Diallo, a eu tout le temps pour se décider. Le 22 octobre, elle a condamné l’artiste et homme politique Elie Kamano et son ami Ibrahima Kéita à un an d’emprisonnement avec six mois de sursis. Tous membres du FNDC, interpellés le 14 octobre à la Tannerie, lors la manifestation appelée par leur mouvement, puis poursuivis par le ministère public pour “participation délictueuse à un attroupement”, entre autres.

Dès la prononciation de la sentence, les avocats de la défense et leurs clients, surpris par la décision, ont clamé leurs « innocences » dans la salle d’audience, crié contre le tribunal et le pouvoir public. « Amoulanfé », lancent-ils en chœur, avant d’entonner l’hymne national, en signe de protestation contre la décision, mais aussi en signe de détermination à barrer la route aux promoteurs du troisième mandat anticonstitutionnel.

Au sortir de l’audience, Me Faya Gabriel Kamano, du collectif des avocats de la défense, n’a pas mâché ses mots : « Dans cette affaire, nous sommes en train de vivre une injustice d’Etat. La République de Guinée, le gouvernement guinéen ont créé deux catégories de citoyens dans notre pays, alors que l’article premier de la Constitution oblige l’Etat à traiter tous les citoyens sur le même pied d’égalité. Il y a des citoyens qui peuvent faire la promotion de la nouvelle Constitution sans être inquiétés et un autre groupe de citoyens qui est contre la nouvelle Constitution est traqué, emprisonné, humilié, condamné de façon injuste. Ce qui est déplorable dans cette affaire, ce que le pouvoir public veut se servir de la justice pour faire taire toutes les voies dissidentes. C’est pourquoi vous allez constater que par synchronisation, les décisions de condamnations sont distribuées par-ci, par-là. Nos clients, pour le fait d’exprimer leur droit reconnu à l’article 10 de notre Constitution ont été condamnés à des peines lourdes. Mais que les pouvoirs publics soient rassurés, malgré le concours de la justice pour faire taire les opposants au troisième mandat, le projet ne passera jamais et la lutte continuera jusqu’au bout. »

Me Kamano a assuré que le collectif a, « séance tenante », relevé appel contre les décisions « arbitraires, injustes et infondées dictées par les pouvoirs publics pour faire taire toute voix dissidente dans cette histoire de troisième mandat. »

Dans la cour du tribunal, l’atmosphère était tendue. Familles, proches et sympathisants des condamnés crient à gorge déployés, fustigeant le pouvoir, clament leur détermination à lutter contre le projet de troisième mandat. Ils brandissent un portrait d’Elie Kamano, leader du Parti guinéen pour la solidarité et le développement (PGSD) au milieu des flics et bidasses qui s’apprêtaient à conduire les condamnés, à bord d’une fourgonnette blanche à l’hôtel cinq étoiles de Coronthie. Les deux prévenus avaient été interpelés à la Tannerie (Matoto), conduits au commissariat de Matoto, puis à la Direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) avant d’être placés sous mandat de dépôt à l’hôtel cinq étoiles de Coronthie, le 14 octobre.

Yaya Doumbouya