Depuis l’apparition du COVID-19, responsable de la mort de dizaines milliers de personnes dans le monde, plusieurs gouvernements ont pris des mesures souvent drastiques pour limiter la propagation du virus sur leur sol. Sur le continent africain, le Rwanda a fermé ses frontières sauf pour le trafic de marchandises et a interdit les déplacements non essentiels et les visites hors domicile, à l’exception des sorties pour s’approvisionner, se faire soigner ou aller à la banque. Au Nigeria, tous les vols entrants et sortants ont été interdits, les bars, restaurants, écoles, lieux de culte et salles de deuil fermés, comme en RDC. Ces mesures ne sont pas nouvelles sur le continent. Lors de l’épidémie de fièvre Ebola en Sierra Leone, six millions de personnes ont été contraintes de rester chez elles pendant trois jours (septembre 2014 et mars 2015). Le pays a d’ailleurs décidé de remettre le couvert du 5 au 8 avril 2020.
La Guinée quant à elle n’a pas l’air d’avoir tiré la moindre leçon de ces années noires. Notre pays se distingue de ses pairs par quelques décisions incompréhensibles.

Le maintien des sélections

Malgré la détection de plusieurs cas de coronavirus dès le 12 mars, nos autorités ont tout de même maintenu les deux scrutins controversés du référen-drôle et des légis-tardives, au moment où le monde entier bataillait pour limiter tout regroupement de personnes. Pour qui vivait en Guinée ces six derniers mois, il était évident que ces sélections allaient susciter des mouvements de foule. Pour voter ou bourrer des urnes, sécuriser ou s’en prendre à un bureau de vote, il faut être plusieurs. Du pain béni pour le coronavirus. C’est en toute connaissance de cause que notre Körö a appelé son peuple à aller voter ce 22 mars. Plusieurs dignitaires du pouvoir, importateurs précoces de la maladie, en font les frais les premiers.

La mobilisation des moyens de l’État

Face à l’urgence et après avoir raclé tous les fonds de caisse, nos ministres ont pu mobiliser la bagatelle de 6 milliards de francs guinéens pour faire face au COVID 19. Une broutille quand on sait que les besoins en équipements sanitaires sont plus que criards. En 2011, la CIA évaluait la capacité d’accueil de nos hôpitaux à 3 lits pour 10 000 personnes. Malgré les efforts fournis dans le secteur, le niveau de prise en charge n’a pas beaucoup évolué : début mars, le pays comptait 10 respirateurs fonctionnels pour 12 millions d’habitants, soit un respirateur pour tous les habitants de la capitale. Or, le coronavirus, dans sa forme grave, provoque de sévères troubles respiratoires qui finissent par emporter le malade. Comment comprendre que nos autorités, au lieu d’y faire face en débloquant des fonds d’urgence, aient préféré fournir à l’ANSS, le machin chargé de la sécurité sanitaire, le prix de douze 4×4 ?

L’état d’urgence sanitaire et le prix du car-brûlant

Au-delà du fait qu’aucune Constitution guinéenne, même celle bottée le 22 mars, ne définit d’état d’urgence “sanitaire”, celui décrété par le président Grimpeur a de quoi rendre perplexe. Il impose des mesures plus ou moins drastiques visant à réduire les rassemblements de personnes sans la moindre mesure d’accompagnement pour réduire les impacts. Le résultat est au mieux inapplicable, au pire contre-productif. L’exemple de la limitation des personnes dans le transport est éloquent.
En Guinée, la surcharge des véhicules de transport est la norme. Les taxis, minibus et autres motos transportent au moins le double du nombre de passagers normalement prévu. Diviser par deux ou trois le nombre de personnes dans les transports revient à diviser la recette des transporteurs du même nombre. La nature et la poche du guinéen ayant toutes deux horreur du vide, le prix du transport se retrouve multiplié par deux au moins. La réduction du prix du carburant de 1000 GNF n’a pas suffi à combler le manque à gagner. Elle a d’ailleurs irrité plus qu’autre chose: des petits aigris du secteur des hydrocarbures ont fait fuiter que l’État aurait pu vendre le litre de carburant à 7000 GNF et se faire des marges confortables.

En bref, suite au décret et aux différentes mesure(tte)s prises, le prix du transport a augmenté, les prix des denrées augmentent. La précarité du populo augmente, faute de mesures d’accompagnement sérieuses. Les gens n’ont d’autre choix que de sortir pour survivre, quitte à braver toute interdiction et aggraver la prolifération de la maladie au-delà de tout contrôle. Comprenne qui pourra !

Mohamed Diallo