Il est des révélations qui valent des confessions ; des confessions qui équivalent à des démissions. Même si en Guinée, ceux qui abhorrent la démission ont réussi à l’assimiler à l’impolitesse, au déficit culturel, au défi à l’autorité, dans une Afrique prétendument gérontocratique. A l’issue de sa conférence presse la semaine passée, le ministre des Transports, Aboubacar Sylla, ne s’est certainement pas douté qu’il a semé amertume, déception et désolation au sein de l’opinion guinéenne. Il aurait dû rendre le tablier.

Parlant du Conakry-Express, le ministre des Transports avance ceci et vous en excuserez la longueur : « Aujourd’hui, tous les éléments sont réunis pour lancer ce train parce que nous avons tout le matériel déjà sur place. Mais nous avons un problème de disponibilité du chemin de fer qui appartient à RUSAL, qui lui a été vendu, non pas mis en concession comme la voie empruntée par Conakry-Express (la voie du CBK), mais c’est une voie qui a été vendue définitivement à RUSAL. Donc cette voie est une propriété privée. C’est une voie qui appartient déjà désormais à RUSAL et qui lui a été cédée à vil prix il y a quelques années et elle appartient aujourd’hui à RUSAL. Cette société n’est pas disposée à mettre cette voie à notre disposition tout de suite, alors qu’on s’était engagé tout au début du processus. Si tout au début on avait su qu’il n’était pas possible d’emprunter cette voie pour mettre un train de passagers là-dessus, on n’aurait pas cherché à acquérir tout le matériel qui est déjà sur place … Néanmoins, les négociations se poursuivent avec RUSAL. »

Si la Guinée était un pays normal, M. Sylla se serait gentiment rendu à Sékhoutouréya pour déposer sa lettre de démission sur le bureau d’Alpha Condé pour incompétence avérée dans l’exercice de ses fonctions. Hélas, nous sommes ce que nous sommes ! Si, comme il le dit, tous les éléments sont réunis pour lancer le train Dubréka-Conakry, c’est qu’il a les rails. Comme l’avait chanté l’Ivoirien, Daouda, « Si vous voyez le margouillat acheter un pantalon, nul besoin de vous marrer, il sait où mettre la queue !» L’on peut ne pas être ministre des Transports pour savoir que pour le moment, « le train ne roule que sur les rails.» Même le TGV japonais. Comment peut-on acheter des wagons sans avoir réglé le problème de chemin de fer ? Que le ministre des Transports rembourse l’argent ! Non seulement pour avoir confondu wagons et containeurs, mais aussi pour avoir commencé l’opération par la fin. Il n’y était pas obligé.

Apparemment, Aboubacar Sylla vient d’évaluer, après coût, toutes les implications du concept de propriété privée. Il fait pourtant partie des premiers cadres que le système Conté avait choisis pour privatiser les usines de la révolution après la mort du responsable suprême du même nom. Apparemment, on le connaît bien à la Cimenterie. Depuis la privatisation de celle-ci, M. Sylla n’y est pas retourné pour prendre possession d’un magasin ou faire la loi sur l’usage des véhicules. Il n’a pas les mains libres, non plus, sur le chemin que Rusal avait acquis à vil prix. Le ministre des Transports ne peut pas ne pas savoir que ce Rusal-là avait acheté tout Friquia, immeubles, chemin de fer et port compris, à quelque 23 millions de dollars et que seuls 19 millions étaient péniblement arrivés au Trésor public. En lieu et place d’une confession de presse, M. Sylla doit s’agenouiller devant Alexander Brigand, le patron de Rusal-Guinée, pour demander pardon. Ils sont tous deux chantres du 3è mandat, non ?

DS