Beaucoup redoutaient que le nouveau sixtennat d’Alpha Condé soit à l’image du régime de Sékou Touré, jadis caractérisé par la théorie de faux complots permanents destinés à éliminer des adversaires gênants. Le déroulement des événements tendent à leur donner raison, hélas.

Après leurs interpellations musclées, les membres du principal parti d’opposition, UFDG de Cellou Dalein et leur allié Etienne Soropogui du mouvement Nos valeurs communes auraient été exposés à des pratiques d’un autre âge à la Direction centrale de la police judiciaire (DPJ). « Plus grave, la police judiciaire, avant de présenter les mis en cause au magistrat instructeur, les a photographiés individuellement en les obligeant à tenir une ardoise sur laquelle on pouvait lire le nom de l’intéressé et la mention COMPLOT », a déclaré le collectif d’avocats des prévenus au cours d’une conférence de presse ce jeudi 19 novembre à la Maison de la presse, à Kipé.

« En plus de la violation manifeste de leur droit à la présomption d’innocence, cet acte, qui rappelle un passé sombre, était destiné à humilier et à saper le moral des intéressés. Il traduit aussi la haine et le zèle de certains enquêteurs à leur endroit », renchérit le collectif.

Inexistence de scellé

Dans une déclaration du 11 novembre, le parquet du tribunal de première instance de Dixinn, soupçonnait les opposants de fabrication, acquisition, stockage, détention, usage d’armes légères, de guerre, de détention de munitions, de menaces et d’association de malfaiteurs. Lors de l’enquête, « aucune arme, munition n’ont été présentées aux intéressés. De même, il n’a été fait mention d’aucune perquisition, visite domiciliaire ou saisie relative à ces infractions », fait remarquer la déclaration lue par Me Modibo Camara.

Et de s’étonner « à la Direction centrale de la police judiciaire, ils ont été entendus sur des faits qui n’étaient visés ni par la commission rogatoire, ni par les convocations qui leur ont été adressées. Les questions des enquêteurs ont porté essentiellement sur des propos qu’ils auraient tenus avant, pendant et après le scrutin du 18 octobre 2020 ».

Une affaire « politico-judiciaire »

Pour le collectif des avocats, il s’agit ni plus ni moins d’une instrumentalisation de la justice à des fins politiques. « Cette procédure, qui ne repose sur aucun élément tangible, vise tout simplement à détourner l’attention de l’opinion nationale et internationale sur les graves crimes commis sur des citoyens après le scrutin du 18 octobre 2020, à affaiblir, voire anéantir l’opposition politique en intimidant ses leaders et en entravant leurs activités sur le terrain.

Il (le Collectif d’avocats, ndlr) craint l’instrumentalisation à outrance de la Justice à des fins politiques. Certains faits troublants semblent malheureusement donner raison au Collectif des avocats : le réquisitoire introductif d’instance du procureur de la République et la commission rogatoire du magistrat instructeur ont été établis le même jour, soit le 14 Octobre 2020, et bien avant l’élection présidentielle du 18 Octobre 2020. Ce qui laisse apparaître une volonté évidente de procéder à des arrestations sans aucune infraction. En d’autres termes, ces agissements ne sont ni plus, ni moins qu’une démarche qui consiste à interpeller d’abord et inventer les infractions par la suite ».

Plus de 400 personnes interpellées

Pour rappel, depuis le lundi 16 Novembre, Ousmane Gaoual DIALLO, Etienne Soropogui, Mamadou Cellou BALDE et Abdoulaye BAH ont été conduits devant le Doyen des Juges d’instruction qui, après les avoir inculpés des infractions de fabrication, acquisition, stockage, détention, usage d’armes légères, de guerre, de détention de munition, les a placés en détention provisoire. Ils ont été précédés à la Maison centrale par Ibrahima Chérif Bah, vice-président de l’UFDG. Toutefois, le plus grand nombre de personnes interpellées sont des anonymes qui avoisineraient les 400 détenus. Et les arrestations se poursuivent, à en croire le Collectif d’avocats conférenciers. 

Diawo Labboyah