Dans un pays normal, voir un déséquilibré mental devant la justice peut parâtre quelque peu surréaliste. En Guinée, c’est bien possible. Et c’est qui s’est passé au tribunal de première instance de Dixinn, lundi 9 novembre. Après les violences qui ont suivi la proclamation des résultats du scrutin du 18 octobre, des citoyens interpellés dans la banlieue de Conakry, notamment dans la commune de Ratoma, inondent la Maison Centrale de Conakry. C’est pendant ces manifestations que des agents des services de sécurité ont interpellé un certain Hassane Sow, au quartier Petit Simbaya. Il est inculpé en compagnie de 3 autres jeunes, de participation délictueuse à un attroupement sur la voie publique. Des faits prévus et punis par les articles 627 et 629 du Code pénal. Il a été écroué à la Maison centrale de Conakry, le 23 octobre.

Le problème, c’est que Hassane Sow, natif de Kindia, ne jouirait pas de toutes ses facultés mentales : « Il est tombé malade en fin d’année 2017. Il est resté enfermé à la maison les deux dernières années. Sa famille n’a pas de moyens, mais ils se sont battus pour qu’il recouvre sa santé. Comme il a commencé à se retrouver ces derniers mois, il a été libéré. Pendant ces manifestations, il s’est caché pour aller sur la voie publique. Sa famille aussi n’a pas informé le voisinage jusqu’à ce qu’il soit transféré à la sûreté » explique un voisin de Hassane Sow.

A la barre, l’interrogatoire de Hassane Sow a tourné court : « Je ne m’appelle pas Hassane, c’est Hassana Diallo ». « Quel âge avez-vous ? » lui demande le juge. « Je ne sais pas trop, peut-être que j’ai 45 ans ». « Pourquoi on vous a arrêté ? » ; « Je ne sais pas, j’ai couru parce que j’ai vu les autres courir ». « Pourquoi êtes-vous allé sur la voie publique ? » J’étais allé voir ce qui se passe là-bas. Moi je ne peux rester à la maison toute la journée. J’étais couché toute la journée, je ne peux pas rester toujours à la maison. D’ailleurs pourquoi les agents du maintien d’ordre pensent que nous ne devons pas aller sur la grande voie ? Ils ne peuvent pas nous l’interdire, la route ne leur appartient pas ». Le juge, Aboubacar Maféring Camara, a finalement stoppé l’audience, renvoyé l’affaire au 23 novembre. Hassane Sow, lui, est retourné à la Maison centrale de Coronthie.

Yacine Diallo