Ils sont des millions de Guinéens à croire dur comme fer que les faits qui ont entraîné l’arrestation en 1998 de «l’opposant politique» et sa condamnation à l’issue de ce que K² appelle dans son dernier livre «Le procès de la honte» n’étaient rien d’autre que l’aboutissement d’une cabale orchestrée par le pouvoir d’alors contre celui qui était perçu comme son principal adversaire. Nous sommes en 2020. Autre temps, mêmes mœurs politiques. Les pratiques politiques n’ont pas significativement changé. L’État est encore et toujours capable de réduire ou tenter de réduire au silence ses adversaires en échafaudant les scénarii les plus fous et les plus invraisemblables, en prenant appui notamment sur les services de sécurité et la justice. Mais ceux qui mettaient et qui mettent encore en doute la réalité des faits reprochés entre 1998 et 2000 à monsieur Alpha Condé ont du mal à admettre aujourd’hui que les opposants sont victimes de la même machine.

C’est pratiquement le même système qui est en place, avec quasiment les mêmes hommes à la manœuvre. Ces spécialistes d’accusations fantaisistes, fruit de leur imagination féconde se mettent au service de tous les régimes. Accuser des opposants de stocker des armes, de recruter des rebelles pour déstabiliser le pays, de vouloir renverser le régime en place, c’est une méthode qui semble avoir de beaux jours devant elle encore. On l’emploie toutes les fois qu’un opposant devient encombrant et empêche le régime faire tout ce qu’il veut.

En 1998, feu Marcel Cross, allié politique de l’opposant Alpha Condé, avait été accusé de stocker des armes à son domicile. Madame Fatou Bangoura, Secrétaire politique du RPG, avait été elle aussi soupçonnée d’avoir un stock d’armes chez elle.  Autre temps, mêmes pratiques. Aujourd’hui, ce sont des opposants (Abdoulaye Cherif Bah, Ousmane Gaoual Diallo, Mamadou Cellou Baldé, Étienne Soropogui), des acteurs de la société civile Mamady Onivogui) qui sont encore arrêtés et détenus sous prétexte qu’ils fabriquent, stockent, détiennent des armes légères et de guerre ainsi que des munitions.

D’après K², c’est d’ailleurs Alpha Condé qui était dans le viseur du pouvoir d’alors à travers cette histoire montée de toutes pièces de stockage d’armes et de recrutement de rebelles. C’est l’une des raisons qui l’auraient amené à se replier à l’intérieur du pays jusqu’à Pinet précisément. On connaît la suite. Autre temps, mêmes pratiques. Aujourd’hui, c’est la principale figure de l’opposition qui semble être visée à travers ces multiples arrestations et procédures judiciaires. Peut-être qu’il devrait penser lui aussi à se replier à l’intérieur afin de pouvoir communiquer facilement avec son téléphone satellitaire, pardon, son téléphone portable. Le téléphone portable à la place du téléphone satellitaire, c’est peut-être le seul changement. Sinon les pratiques sont les mêmes.

Ces pratiques sont à bannir du jeu politique. La justice doit refuser de se prêter à ce jeu malsain. Il y va de son honneur et de sa respectabilité. Elle doit savoir que la manière dont on la critique aujourd’hui dans le fameux «Procès Alpha Condé», c’est de la même manière qu’elle pourrait être critiquée un jour dans les dossiers concernant les opposants actuels. C’est pourquoi, elle ne doit jamais chercher à plaire ou à rendre des services à un régime quel qu’il soit. Quelle que la longévité d’un régime, il est appelé à prendre fin un jour. La justice doit donc avoir pour seule et unique préoccupation, l’accomplissement de sa mission, c’est-à-dire celle de décider au nom du peuple en appliquant les règles de droit.

Me Mohamed Traoré