Pour la mise en œuvre du projet EPT-2/GHSA, l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) a mis en place depuis près de 5 ans, un programme d’épidémiosurveillance des maladies animales. Dans ce contexte, notre rédaction a rencontré Dr Mohamed Hama Garba, Représentant de cette institution onusienne pour essayer de comprendre plus en détails, les contours de certains aspects de cette assistance de la FAO à la Guinée. L’interview.

Le Lynx : Monsieur le Représentant, votre institution intervient dans la surveillance des Maladies Animales en Guinée, d’où la mise en place du programme EPT2/GHS. Parlez-nous de ce projet?

Dr Mohamed Hama Garba : Merci de opportunité que vous m’offrez pour parler de ce projet, qui fait partie des grands projets ou programme que la FAO exécute en Guinée.

Le Programme Menaces de pandémies émergentes (en Anglais Emerging Pandemic Threats ou EPT en sigle), est une composante du Programme d’Action pour la Sécurité Sanitaire Mondiale, plus connu aussi en anglais sous le sigle GHSA (Global Health Security Agenda).

C’est un programme qui vise à développer et renforcer les capacités de base en matière de santé animale pour prévenir, détecter précocement et riposter rapidement face aux crises sanitaires en santé animale et humaine. Il comporte cinq grandes actions : i) les Maladies Zoonotiques ; ii) la Biosécurité/Biosûreté ; iii) le Système National des Laboratoires ; iv) le Renforcement des Capacités des Ressources Humaines et v) la Résistance aux Antimicrobiens (RAM). Il est financé par l’USAID et mis en œuvre par plusieurs partenaires dont la FAO. La composante FAO a fait l’objet d’un accord de partenariat USAID-FAO, qui a été signé à Rome en octobre 2015.

Ce programme couvre plusieurs pays d’Afrique, d’Asie et du Proche-Orient, avec un financement total initial alloué pour l’Afrique et le Proche-Orient de 100 millions de dollars pour une durée de 5 ans. En Afrique, le projet a été officiellement lancé à Abidjan en février 2016 et en Guinée,  du 25 au 26 avril 2016 à Conakry par le Ministre de l’Elevage et des Productions Animales. Pour le rendre opérationnel, des équipes pays ont été mises en place dans 10 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, avec à leurs têtes des Chefs d’Equipe Pays, des CTL (Country Team Leader).

Fin 2016, il y a eu une réorientation technique des activités du programme EPT, qui a pris en compte l’intégration des activités de surveillance des zoonoses prioritaires spécifiques de la Guinée qui sont: la Maladie à virus Ebola, la Brucellose, la Rage, le Charbon Bactéridien et la Grippe Aviaire. C’est ainsi que le projet a pris le nom de « soutien au programme de sécurité sanitaire mondial, dans la lutte contre les zoonoses et le renforcement de la santé animale en Afrique ».

On parle également d’un important travail que la FAO a fait en appui aux laboratoires  Vétérinaires. Concrètement, en quoi consiste cet accompagnement ?

En ce qui concerne le soutien au système national des Laboratoires, la FAO a financé les travaux de rénovation des Laboratoires dont le laboratoire Central Vétérinaire de Diagnostic (LCVD) de Conakry, le laboratoire régional de Kankan et celui de Labé. La rénovation du laboratoire de N’Zérékoré vient juste d’être lancée. Les montants dépensés pour la rénovation et les équipements des labos sont respectivement de 90 000 000 GNF pour N’Zérékoré , 272 000 000 GNF pour Kankan, 38 000 000 GNF pour Labé et 650 000 000 FGN pour le LCVD, soit un montant global de  1 050 000 000 GNF.

Tous ces laboratoires ont été également équipés en materiel de diagnostic de dernière génération (notamment thermocycleurs (machines PCR), spectophotomètres (lecteur ELISA), microscopes, Cabinets de biosécurité, petits matériels de laboratoire), des réactifs et de consommables qui permettent leur fonctionnement pour plusieurs années. Tout le personnel de ces laboratoires a été formé sur les techniques de diagnostic de ces maladies prioritaires. Près d’un milliard de francs guinéens, en moyenne 1 000 000 USD, est dépensé chaque année dans le cadre de ce programme.

Dans la même lancée, nous avions mis en place un partenariat avec l’école vétérinaire de Dalaba pour aider à la formation des étudiants et équiper le laboratoire destiné à leurs travaux pratiques.

Finalement, est-ce que vous pouvez nous résumer les grands acquis de ce programme pour la Guinée ?

Je ne peux citer ici tous les acquis et réalisations énormes de ce programme. Il faut cependant noter qu’au niveau des maladies zoonotiques, il y a eu :

  • Elaboration et opérationnalisation de deux plans de surveillance : brucellose et Influenza aviaire qui ont permis de déterminer la prévalence de la brucellose à l’échelle nationale et la détection du sérotype H9 du virus de l’influenza aviaire.
  • Elaboration du plan d’action national d’élimination de la rage humaine d’origine canine à l’horizon 2030 ;
  • Soutien à la riposte contre des foyers d’anthrax et de rage (vaccination, délimitation de champs maudits dans des zones à risque d’anthrax, campagnes de sensibilisation) ;
  • Reportage des maladies animales en temps réel grâce à un nouvel outil digital  EMA-i.(Event Mobile Application), un outil innovant que la FAO a mis en place pour renforcer les capacités des Services Vétérinaires dans le cadre de la surveillance épidémiologique en en assurant la collecte et la transmission de l’information sanitaire du terrain vers le niveau central en temps réel.

Au niveau des Laboratoires, il faut noter qu’il y a eu :

  • Rénovation, équipement et soutien au fonctionnement du Laboratoire Central Vétérinaire de Diagnostic de Conakry et des laboratoires régionaux de Kankan, Labé, et N’Zérékoré ;
  • Renforcement des capacités de diagnostic des zoonoses majeures (rage, brucellose, anthrax, IA) et des maladies animales prioritaires (PPR, FVR, FA, trypanosomoses, helminthoses, maladie de Newcastle, etc.) ;
  • Mise à disposition des laboratoires vétérinaires de manuels de Biosécurité, d’assurance qualité et des procédures opérationnelles standard (POS).

En termes de Biosécurité et Biosûreté, notons :

  • Mise à disposition des acteurs de manuel de biosécurité dans les fermes avicoles et des marchés de volailles vivantes ;
  • Fourniture de matériel de désinfection (pulvérisateurs et désinfectants) aux acteurs de chaîne de valeur volaille ;
  • Vaccination des techniciens de laboratoire et agents d’élevage de terrain contre la rage.

Sur la Résistance aux antimicrobiens (RAM), il y a eu :

  • Sensibilisation des acteurs de la chaîne alimentaire et de l’agriculture sur la résistance aux antimicrobiens (RAM) ;
  • Mise à niveau de la section microbiologie du LCVD de Conakry pour la détection de la RAM ;
  • Elaboration du plan national de détection des résidus d’antibiotiques dans le lait et les œufs produits localement.

Dans le cadre du renforcement des capacités, il faudra retenir :

  • Formation de 8 000 agents communautaires de santé animale sur la reconnaissance et le rapportage des maladies animales ;
  • Formation de 25 professionnels vétérinaires en épidémiologie de terrain (ISAVET) de niveau de base (frontline) ;
  • Formation sur site de plusieurs centaines d’agents de terrain aux techniques de prélèvement des échantillons pour le labo, à la surveillance syndromique des maladies animales, au rapportage en temps réel EMA-i, sur les bonnes pratiques de gestion des urgences (GEMP), etc.

Voilà, entre autres, ce qu’on peut retenir en termes des résultats. Je vous remercie !