Comme ils le font tout bêtement tous les cinq ans pour se donner un nouveau président  de la république, nos frères gaulois d’autrefois viennent de voter à Navarre. Comme il nous arrive parfois de le faire  mais de la façon la plus tordue, la plus permissive, la plus répréhensible. Voyons ! Là-bas, nous l’avons constaté hier,  aussitôt le dernier bureau de vote fermé en métropole, les tendances que les résultats finaux confirment toujours, sont esquissées. On n’attend pas des jours, des semaines, voire des mois et disposer ainsi du temps convenable au tripatouillage des voix et des résultats. Aux deux candidats qui émergent du premier tour, il est offert l’opportunité de confronter, lors d’un débat radio-télévisé, leurs idées et leur positionnement sur des enjeux nationaux et internationaux majeurs tels que le pouvoir d’achat, la sécurité, le chômage, l’immigration, l’Europe, la gestion des pandémies. Le réchauffement de la terre fait désormais de la gestion du climat un défi planétaire. La pertinence des arguments et l’efficacité ainsi que l’efficience des solutions proposées font la différence, emportent l’estime des électeurs. Le candidat dont les propositions de solutions répondent mieux aux aspirations des citoyens qui votent est adoubé et plébiscité. Le débat est limpide car chaque postulant a connaissance et conscience préoccupations réelles des différentes franges de la population. Certes, on s’envoie des éclats de bois vert, des piques mais personne n’ose s’aventurer dans les eaux boueuses, fétides et nauséabondes des égouts. C’est comme ça, le vote au pays Yafoé, pour paraphraser un certain Mamane de Rfi. Il est propre, sans palabres. Fort heureusement, car là-bas, il n’y a pas d’arbre à palabres ! La proclamation des résultats, même provisoires, conclut l’essentiel du processus. On range rhétorique et artifices et électoraux, invectives et flagorneries. Point de troubles, ni conflits post-électoraux. On se met au boulot et attend les prochaines échéances en renâclant cette sage maxime : « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ».

Dans nos contrées, sous les tropiques, pour le même objectif, on développe bien d’autres stratégies, comportements et mentalités sous-tendus par une  forte dose de subjectivité et d’irrationnel. Sur le plan organisationnel, les protagonistes sont toujours à couteaux tirés sur le choix de la  structure devant organiser le scrutin et l’élaboration  du fichier électoral. Ils s’étripent les chignons, comme de vieilles chipies, lors des découpages électoraux et l’implantation des bureaux de vote. Sur le plan discursif, tout le monde part du même diagnostic et aboutit quasiment aux mêmes solutions. Vous connaissez la rengaine. Toto aussi. La pauvreté, les bas revenus, la défaillance des services sociaux de base et des infrastructures économiques etc. marinés dans l’ethno-stratégie. Le discours est fade, insipide et ennuyeux. Le tripatouillage des résultats lors des opérations de dépouillement et de centralisation clôt la parodie et ouvre la porte aux conflits post-électoraux latents ou incandescents dont on connaît les effets dévastateurs sur l’unité nationale, la cohésion sociale et le développement. Comme quoi, vote n’est pas vote.

Abraham Kayoko Doré