Le 28 janvier 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger dirigés chacun par une junte putschiste, ont décidé de se retirer de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Ils lui reprochent de s’être éloignée des idéaux de ses fondateurs et surtout d’être manipulée par des puissances étrangères au détriment des intérêts supérieurs des populations. Cette posture de ces trois Etats ne surprend guère tant leurs relations avec la CEDEAO étaient devenues exécrables depuis les coups de force illégaux qui les ont portés au pouvoir.

En effet, conformément à sa charte fondatrice, la CEDEAO a sévèrement sanctionné ces régimes militaires par des mesures politiques, financières et monétaires drastiques que les putschistes et leurs soutiens ont souvent traitées d’inhumaines. Outre ces sujets qui fâchent, on note que les nouvelles autorités de ces trois Etats éprouvent d’énormes difficultés à apporter les solutions adéquates à la problématique sécuritaire à laquelle sont confrontés leurs Gouvernements. Les défis et les enjeux sécuritaires les ont entrainées dans d’interminables situations conflictuelles avec leurs traditionnels amis telle que la France qu’elles vouent désormais aux gémonies et accusent de tous les péchés d’Adam et d’Eve. Sur les cendres de ces anciennes amitiés, vieilles de nombreuses décennies, elles  s’échinent à construire de nouvelles alliances. Dans cette perspective, elles lorgnent, à l’unisson, Poutine et sa Fédération de Russie, nostalgiques de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Alors apparaissent, çà et là, officiers instructeurs russes et mercenaires de Wagner, aux cotés des troupes qui luttent désespérément contre rebelles séparatistes, terroristes islamistes, djihadistes de tous acabits. C’est de ce terreau que les putschistes maliens, burkinabés et nigériens ont puisé les motifs de la remise en cause de leur participation au lent processus d’intégration économique de la sous région. Leur choix est-il pertinent ou relève-t-il tout simplement d’une malheureuse saute d’humeur, voire d’un complexe de colonisés ? Pour quelles puissances étrangères et pour quelles raisons, les Etats de la CEDEAO dont le Nigéria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Sénégal compromettraient-ils leur souveraineté et le bonheur de leurs peuples ? L’argument n’est-il pas tout simplement fallacieux ?

S’agissant de l’abandon des idéaux des pères fondateurs de la CEDEAO, par les actuels chefs d’Etat, il y a de quoi à demeurer dubitatif, perplexe. En quoi la CEDEAO s’est-elle éloignée des idéaux qui justifient sa création ? Les sanctions qui ont été administrées aux trois Etats membres ont été conçues, construites et adoptées par l’ensemble des Etats membres. Sans contrainte, ni chantage. Il ne convient donc pas d’adopter une posture de résignation, de victimes expiatoires. Le vivre ensemble, en toutes circonstances, requiert suffisamment de contrainte, d’abnégation, de droit et de devoir. La CEDEAO n’est pour rien dans l’apparition de la chienlit sécuritaire dans les trois Etats frondeurs, ni dans leurs difficultés socioéconomiques. Au contraire, elle leur a offert les avantages du marché communautaire (libre circulation des personnes, des biens et des capitaux etc..) et de l’intégration politique et économique, en général.

A une époque où la dynamique de l’intégration triomphe partout dans le monde et le panafricanisme est magnifié par une partie de l’élite africaine, la décision des trois Etats du Sahel de se retirer de la CEDEAO est anachronique et préjudiciable aux intérêts supérieurs de leurs peuples qui, du reste, n’ont pas été consultés.

Abraham Kayoko Doré