Malgré les dépenses vertigineuses engagées pour le besoin de la cause, la fourniture d’électricité à la Guinée se pose avec acuité. Le fameux tour est de retour. A la différence, désormais que c’est le jour et la nuit. Dans le meilleur des cas, la denrée rare en Guinée est fournie de 19h à 7h du matin. Alors que la coupure pendant toute la journée est une pilule difficile à avaler pour les habitants de Cona-cris, habitués au fameux 24h sur 24, EDG fait comme le dit le dicton populaire : elle envoie le doigt, s’il passe, elle va envoyer tout le bras, s’il casse, elle le retire.

Alors qu’EDG nous a fait avaler des couleuvres avec la coupure diurne, elle essaie la coupure nocturne. Mais celle-là provoque des grincements de dents. Aussi bien dans les quartiers habituellement agités que dans les zones traditionnellement paisibles, les jeunes se font entendre. De façon spontanée, toute la ville grogne à la même seconde. De Kobaya à Coyah en passant par Kounita ou encore Sanoyah, il y a partout de l’électricité en l’air.

Tout comme la liberté de la presse, qui connait une régression spectaculaire, la crise consécutive à l’obscurité était la moins attendue du monde. Parce que, ces dernières années, les autorités en ont fait leur cheval de bataille. En particulier le prési Alpha Grimpeur n’avait pas lésiné sur les moyens. Kaléta en 2015 puis Souapiti (en chantier) devaient nous sortir des ténèbres. Malheureusement, c’était sans compter avec le système obscurantiste qui nous a maintenus dans l’obscurantisme et l’obscurité depuis 65 ans.

Durant les trente dernières années, les gou-bernements qui se sont succédé ont annoncé avec tambour et trompette la construction de trois grands barrages hydroélectriques, censés mettre définitivement fin au déficit énergétique. Tout d’abord ce fut le méga projet de Garafiri (76 Mégawats) lancé par Fory Coco en 1995. Pendant 5 ans, le pouvoir et ses thuriféraires ont présenté ce projet comme le plus grand du Général-président-paysan. Pour le besoin de la cause, et devant le refus des bailleurs de formes de mettre la main à la poche, une contribution citoyenne avait été sollicitée pour relever le défi. Garafiri fut un défi et même une obsession du Prési Conté. Mais comme prévu et prédit par les experts, la montagne accouche d’une souris.

Hissé au pouvoir, le Grimpeur s’est toqué d’un autre projet. Cette fois, c’est Kaléta. Il sait qu’il ne peut pas tout faire dans un pays où on martèle à tout bout de champ que tout est à faire ou refaire. L’opposant histo-risque met les bouchées doubles pour faire la différence avec ses prédécesseurs. Il commence par la fameuse électrification rurale. Et le solaire semble être la panacée. Des localités qui n’ont jusqu’ici jamais vu une ampoule électrique, sont illuminées de mille feux. Mais ce fut un feu de paille. De la poudre aux yeux du populo qui a vite déchanté. Comme dit l’autre dicton, mieux vaut mentir et passer que de mentir et rester. Les lampadaires ne tiendront même pas un an dans certaines localités. Le projet n’aura servi qu’à remplir les poches et les comptes de ceux qui ont conçu et exécuté le projet.

Ce projet d’électrification solaire s’étend dans la capitale avec l’éclairage public. Mais Cona-cris avait déjà bénéficié d’un autre projet durant le règne du duo de Lansana. Kouraté avait initié un projet d’électrification des deux principales autoroutes de Cona-cris avec du solaire. Ce qui veut dire qu’on avait plutôt besoin de rénover et d’entretenir les lampadaires déjà existants. Contre toute attente, le nouveau projet lancé par le prési Grimpeur, préfère planter d’autres poteaux près de ceux déjà existants. Ce qui fit une véritable anarchie sur la voie publique.

Quelques années plus tard, Alpha Grimpeur se rend compte que son projet solaire fond comme beurre au soleil. Il s’engage dans un vaste projet d’électrification hydroélectrique à l’échelle continentale. Au niveau local, les travaux de construction de Kaléta démarrent dès avril 2012. Ce projet sera suivi par Souapeti, le 22 décembre 2015. De cause à effet, le fameux 24h sur 24 devient réalité. Les habitants de la capitale croient au miracle du professeur Grimpeur. Ils nourrissent l’espoir que l’obscurité est un mauvais et lointain souvenir.  

Mais c’était trop beau pour être vrai. Deux ans après le départ du chantre de l’électrification africaine, Cona-crie partout. La fourniture du courant dans la capitale devient comme une chemise complètement usée. Tu couds par-ci, elle se déchire par-là. Cette fois, elle est même dépecée en morceaux, laissant notre EDG nue. Ce qui multiplie les manifs avec leur corollaire de répression. La grogne généralisée est devenue un os coincé dans la gorge du duo Amadeus Oury Bah et Mamadi Doum-bouillant. Le duo envisagerait de ramener le bateau turc qui avait fini par rejoindre le Grimpeur en exil. Seul problème : ce bateau coûterait trop cher au contribuable guinéen. Mais pour une transition qui cherche à obtenir une prolongation, aucun sacrifice ne serait de trop.

Habib Yembering Diallo