Mouctar Bah, le correspondant de RFI en Guinée, serait une tête fêlée qui a réussi à perturber sérieusement le sommeil du ministre de la Dépense nationale de la République de Guinée et celui de la Complication. « Le chef d’état-major général des Armées constate avec regret l’attitude de certains correspondants de presse faisant des déclarations dénuées de tout fondement qui sont des allégations tendant à ternir l’image des Forces de Défense et de sécurité… » Le Ministre de la Communication, Sompe-le-Coquelet du RPG, semble un peu plus… désemparé. La rage au cœur, courbé dans ses bottes de porte-parole informel du goubernement, il estime que le journaleux de la radio mondiale n’en est pas à « sa première fausse information ». La HAC le convoque pour lundi 12 novembre. Sûr que devant Tartine Condé, le Moutard ne sera pas totalement dépaysé. Avant l’arrivée chaotique de celle-là dans les jardins de la Haute Autorité de la Complication, M. Bah s’était largement familiarisé avec les convocations intempestives.

La plus banale de ces convocations était quelque peu… diversifiée, que dis-je globalisée. Pendant les législatives de 2002, Mouctar Bah, accompagné de deux confrères, est allé découvrir des urnes clandestines dans un domicile privé vers le camp Samory. Sompe-la-Pipe, arc-bouté au Parlement, actionne le CNC de l’époque pour coincer le trio des bavards. La diffamation est si sérieuse que les preuves, impolies à souhait, fusent de partout. L’affaire se règle « à l’amiable. » Auparavant, il y avait eu quelques petits trucs assez sérieux avec le Moutard. Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1998, Alpha Grimpeur décide de clore sa campagne présidentielle par une promenade de santé à Pinet, dans le Lola natal de l’ancien maire, Antoine Soromou. On le conseille vivement de rentrer sous forte escorte à Cona-cris. Et puis on le loge confortablement quelque part dans une villa de la Cité des Nations. Pour commencer. C’est tout près du Camp Koundara, non ?

A la veille de Noël, le 23 décembre 1998, le Moutard de RFI reçoit un coup de fil de Kirdi Kirdi le Bangoureur, lui demandant de bien vouloir accepter de rendre visite au vice-patron incontesté du ministère de l’Intérieur qu’il était à l’époque. Le journaleux ne l’a entendu que d’une oreille. Le voilà dans les couloirs du Mystère vers 11 heures. Puis à la Villa 36, Palais des Nations, avec le Kirdi-Kirdi et tout le gotha de flics qui lorgnaient dans le dossier du grimpeur-opposant. On demande à Mouctar de se redresser pour bien voir les quelque 300 vedettes pleines de mercenaires qui se baladaient au large du camp Koundara, aujourd’hui Camp Makambo. Et de se débrouiller pour arranger le petit scoop du jour, ne serait-ce qu’une brève, pour l’édition du soir de Radio France Internationale. Ce qui justifierait largement des pétards nocturnes, même mouillés, aux abords du camp. Le Moutard a dû beau se redresser, il ne voit absolument rien. Il a dû être frappé de cécité. Après moult tergiversations, il consent à tendre le micro à Kiridi pour annoncer la présence des vedettes et leurs cargaisons de mercenaires et que lui, le Moutard, dans sa myopie légendaire, n’en enverrait que le son à RFI. Mais, Kirdi Kirdi trouve mieux. Dorank Assifat Djassény, le ministre de l’Intérieur, appellerait le Moutard pour annoncer lui-même la nouvelle sur les ondes de la Radio Mondiale. Ce que le ministre oublie de faire jusqu’à sa mort. Paix à son âme !

Personne n’a dû penser au Goureissy-Macoute, le Condé du ministère de la Sécurité de l’époque, qui brillait par son absence. Le Moutard et ses compagnons-limiers se sont quittés aux environs de 13 heures. Mais, dit-on, à quelque chose malheur est thon. Le silence qui s’est imposé à RFI n’a pas favorisé l’opération d’auto-défense pour repousser la horde des mercenaires par la force des armes. Toute la zone du camp Koundara et la Cité des Nations ayant été dans un silence de cimetière, l’on a dû trouver, pour le fugitif de Pinet, une place à l’hôtel Cinq Etoiles de Coronthie. Vaut mieux se faire libérer par des avocats maladroits que par des mercenaires tireurs d’élite. Sait-on jamais ! Mais, le lendemain 24 décembre 1998, c’est le Moutard qui est réduit au silence à son tour par la suspension de son accréditation que le Conseil National de la Complication de l’époque n’a pas manqué de lui notifier. Le silence s’étendra jusqu’au 5 mai 1999. Comme il n’y a jamais deux sans trois, le silence de Mouctar reprendra à l’occasion de la seconde phase du procès d’Alpha Grimpeur entre août et septembre 2000. Etes-vous sûr de ce qu’il allait raconter pendant cette période délicate ? Son silence s’avérait une nécessité nationale. Le CNC l’avait bien compris. Que croyez-vous ? Mouctar Bah est trop bavard.

La quatrième fois que Mouctar rencontre les autorités de régulation des médias pour des affaires de silence remonte à 2014. Cette fois-ci, il s’agit de la HAC. RFI décide d’accroître le nombre de ses correspondants à travers le monde. Notamment en Afrique. Trois au Niger, trois en Côte d’Ivoire, trois au Sénégal, deux au Mali. Deux en Guinée… Débarque à Cona-cris Fabien Ofner, muni d’une accréditation de Radio France Internationale. Makanéra Kaké saute de son fauteuil de ministre de la Communication pour compliquer la tâche au Moutard. Il atterrit à Sékhoutouréya, se frotte les mains et annonce à Alpha Grimpeur le licenciement par RFI de M. Mouctar Bah, presque déjà interdit d’antenne par la volonté de Cona-cris. Quelques voix s’élèvent dans l’assistance pour appeler le Macaque à la raison. Rien n’y fait. La lettre est rédigée pour chasser le Moutard. Makanéra en personne décide d’aller tout caqueter sur les antennes. Suivent alors une vague de protestations qui réussit à tympaniser jusqu’aux portes de l’Elysée. C’est finalement la présidente de la HAC qui va lever la mesure. Après tant de morsures internes qu’elle a dû dissimuler.

Il faut espérer que ce lundi 12 novembre, la même Martine et son Moutard de journaleux profiteront de ce cinquième rendez-vous du silence pour mettre sur le tapis quelques unes de leurs expériences communes en matière d’éthique et de déontologie d’une profession qui n’en finit pas d’étaler ses lacunes. Voilà au moins qui est à portée de main !

DS