Le 5 février, Amadou Damaro Camara, Michel Kamano, Zeinab Camara et Jin Sun Cheng dit Kim étaient de nouveau devant les juges de la CRIEF. L’ancien président de l’Assemblée nationale et ses coaccusés voient leur procès reprendre après le récent chambardement enregistré dans les cours et tribunaux. Damaro s’est expliqué sur la gestion des 15 milliards de francs guinéens destinés à la construction du nouveau siège de l’Assemblée nationale.

Le 11 janvier dernier, Amadou Damaro Camaro cachait à peine sa joie quand le juge, Francis Kova Zoumanigui, déclarait les débats clos et ordonnait les plaidoiries et réquisitions. Grande fut sa surprise d’apprendre que le procès reprend à zéro. L’ancien président de l’Assemblée nationale aurait même eu du mal à l’accepter. Mais il s’est présenté lundi 5 février devant Yakhouba Conté, nouveau juge, chargé du dossier pour répondre aux questions de la Cour concernant les accusations de détournement de deniers publics, d’enrichissement illicite, de corruption dans les secteurs public et privé, de blanchiment de capitaux, de prise illégale d’intérêts… Amadou Damaro plaide une nouvelle fois non coupable. Il se dit victime « d’une justice de vainqueurs dont le seul but est de détruire » sa personne. « Cela peut entraîner des états d’âme, mais je refuse de tomber dans le piège, je fais confiance à ma justice ». L’accusé insiste sur le fait que le parquet spécial près la Crief l’aurait accusé sans aucune preuve : « La gendarmerie a conclu cette affaire sur un non-lieu. J’ai appelé le lendemain de mon audition pour signer les procès-verbaux. Au lieu de cela, on me trimballe à la CRIEF », rappelle-t-il. Débute là alors son calvaire qui dure plus de 20 mois maintenant : « A la CIREF, je suis assis de 11h à 00h30 minutes, sans voir un juge. C’est à cette heure qu’on me dit que l’audience est ouverte. Je leur ai demandé s’ils avaient les conclusions de la gendarmerie, il n’y avait que l’accusation du procureur dans la chemise. On m’a déposé à la Maison centrale, dans une cellule dont la peinture était encore fraîche. »

Sur les 15 milliards dont il est soupçonné d’avoir détourné, l’ex président de l’Assemblée nationale explique avoir dépensé l’argent pour éviter à la Guinée 40 millions de dollars américains promis au pays par la Chine : « Les 15 milliards n’étaient même pas encore disponibles. Via mon fonds de souveraineté que j’aurai pu tranquillement garder, j’ai payé 1 milliard 800 millions de francs guinéens à la société de Kim pour la viabilisation du terrain, 750 millions à la SEG pour une conduite d’eau et 350 millions à EDG, pour une ligne électrique. J’ai utilisé l’autre partie de l’argent pour payer les primes des députés. J’ai payé cet argent en août 2020, les 15 milliards ne sont tombés qu’en juillet 2021. J’ai fait tout cela par patriotisme », a déclaré Amadou Damaro. D’insister qu’au 5 septembre 2021, il restait plus de 6 milliards de francs guinéens de cet argent dans le compte de l’Assemblée nationale à la Banque centrale. Mais l’argent aurait subitement disparu avant même que, Mamadi Doumbouya, auteur du coup d’Etat, ne prête serment.

Les échanges entre le prévenu et l’avocat de la partie civile ont tourné au pugilat. Damaro accuse Me Amadou Babaen Camara d’avoir une dent contre lui et d’agir à dessein, pour nuire à sa réputation. L’affaire est renvoyée au 4 mars prochain, pour la suite des débats.

Yacine Diallo