A l’image de beaucoup d’autres guinéens, nous subissons à longueur de temps les conséquences de la hausse des prix des denrées alimentaires. Si les autorités actuelles du pays ont justifié cette hausse brusque par l’augmentation du coût d’importation, le mouvement syndical guinéen ne l’entend pas d’une même oreille car dans son avis de grève en date du 22 février 2024, se retrouve comme deuxième point de revendication « la révision à la baisse du prix des denrées alimentaires de première nécessité ».

En ma qualité d’économiste, ce point m’intéresse beaucoup car il doit être abordé avec tact et pédagogie. Dans une économie extravertie comme la nôtre (cela veut dire que nous ne consommons pas ce que nous produisons et que par ricochet nous ne produisons pas ce que nous consommons) donc dépendante fortement des importations, nous voyons mal les autorités guinéennes satisfaire ledit point même s’ils ont toute la volonté de le faire. Car, le prix de commercialisation pratiqué en Guinée, dépend de plusieurs autres facteurs notamment : le coût de production unitaire, le taux de change, le transport, le dédouanement etc. c’est pourquoi, le seul facteur sur lequel l’on peut agir directement ici à mon humble avis, c’est le dédouanement.

De plus, signer des accords avec les opérateurs économiques dans le but de maîtriser l’ascension des prix dans un pays où l’on prône le libéralisme économique ne mènera nulle part sans mesure d’accompagnement. Toutefois, nous saluons l’effort fourni par les autorités de transition à ce niveau à l’approche du ramadan comme à l’accoutumée quoi que l’effet escompté n’a jamais été observé en Guinée jusque-là. Cet accord ne va jamais produire d’effets sans mesure d’accompagnement car réglementation rime aussi avec surveillance et sanctions. Toutefois, l’application de ces mesures demande beaucoup de moyens. Et, parlant des moyens, nous n’en disposons pas à ce jour.

Et pourtant, la résolution de cet épineux problème passe forcément par la mise en place d’une politique agricole fiable capable de répondre aux besoins de la population comme l’avait entamé d’ailleurs le ministre Nagnalen BARRY. A titre de rappel, la Guinée dispose de 6,2 millions d’hectares de terres cultivables dont 25% seulement sont cultivés annuellement. Le potentiel de terres irrigables est également estimé à 364 000 ha dont 30 200 ha actuellement aménagées selon le rapport de la FAO de 2014. Malgré ces potentialités, la Guinée reste encore prédominée par une insécurité alimentaire  qui ne fait que gagner du terrain.

De plus, au cours de la décennie écoulée, la croissance moyenne annuelle enregistrée par le secteur agricole tourne autour de 4%. A mon entendement, cette situation trouve son explication dans la politique économique menée jusque-là par l’Etat guinéen. En examinant la Loi de Finance 2022, l’on constate avec regret que la part du budget allouée au secteur agricole ne représente que 4,6% contre 7,2% dans le budget 2018 (suivant la déclaration de Maputo de 2003, l’Union Africaine a engagé tous ses Etats membres à accroître leurs investissements dans le secteur de l’agriculture, à hauteur au moins de 10% de leur budget national) contre à minima 15% dans la sous-région ouest africaine. Ce qui est à mon sens déplorable car, tous les économistes du monde entier sont unanimes que l’agriculture est la pierre angulaire du développement et l’industrie son moteur.

L’insuffisance de politique agricole fiable et la faible part du secteur agricole dans le budget de l’Etat constituent non seulement un frein au développement de ce secteur (pierre angulaire de notre développement économique) mais aussi et surtout, explique à notre sens l’insécurité alimentaire dans laquelle se trouve les ménages guinéens et la forte dépendance de l’étranger en ce qui concerne les denrées alimentaires.

Tant que nous ne prendrons pas conscience des atouts dont nous disposons afin de les utiliser pour répondre à nos besoins, nous allons longtemps tourner en rond mais, nous ne parviendrons jamais à aller de l’avant. La volonté sans action n’a jamais développé un pays. Il est de notre devoir de nous lever pour travailler la terre qui ne trahit jamais. Mais, il est du devoir de l’Etat aussi d’accompagner les agriculteurs, de protéger leur champ de l’incendie volontaire, de combattre les délinquants qui incinèrent les champs des citoyens qui investissent plusieurs millions pour développer ce secteur, de remettre notre économie en pleine crise en marche afin de pousser les jeunes qui emprunte le chemin de l’exil à retourner pour travailler chez-nous etc.

Safayiou DIALLO

Economiste