Ce mardi 20 février, en audience correctionnelle au Tribunal de première instance de Dixinn, s’est ouvert le procès de Sékou Jamal Pendessa, le secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée, SPPG. Le parquet requiert six mois de prison et 500 000 de francs guinéens d’amende.

Embastillé depuis le 22 janvier dernier, le confrère est poursuivi par le parquet de Dixinn pour « Participation à une réunion publique non autorisée par les autorités administratives compétentes, participation délictueuse à un attroupement non armé, atteinte et menace de porter une atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique, à l’intégrité et à la dignité des individus par le biais d’un système informatique et de complicité par instigation de ces faits dont d’autres en sont les auteurs principaux ».

En costume noir, chapeau à la tête, Sékou Jamal Pendessa comparaît souriant et détendu devant le tribunal officié par Mory Bayo. En présence de nombreux journalistes de médias privés, venus le soutenir. Le juge, Mory Bayo, a signifié au confrère les charges qui pèsent contre lui. Ce qu’a rejeté, en bloc, Sékou Jamal Pendessa, arguant que c’est « en vertu de défendre chèrement la liberté de la presse que le SPPG » avait appelé à manifester le 18 janvier dans le Grand-Conakry. Il rappelle que le SPPG a alerté, mais n’a pas été écouté. D’où « le dernier recours » : la rue. Et d’affirmer avoir agi en défendant les intérêts des syndiqués et de la liberté de la presse en Guinée. « Je suis un combattant pacifiste », clame-t-il.

Le procureur, Biwon Millimono, appelle à dépassionner le débat, à mettre la balle à terre. « C’est un procès ordinaire, je pense que les droits de la défense ont été jusque-là respectés. »

Me Salifou Béavogui, du collectif des avocats de Sékou Jamal Pendessa, réplique : « Personne n’a passionné ce procès » et indique que les droits de la défense n’avaient pas été respectés. « Allez en flagrant délit suppose que toutes les preuves sont réunies. Mon client est un prisonnier d’opinion », assène l’avocat.

Le procureur de brandir des déclarations qu’il attribue au confrère, en estimant qu’elles constituent des appels à des troubles. « En aucun cas », réplique l’accusé qui précise qu’il « n’y a pas eu de manif », qu’il y avait eu, par contre, des journalistes « séquestrés », d’autres interpellés aux abords de la Maison de la presse.

« Vous utilisez votre statut de secrétaire général du SPPG pour des fins inavouées », charge Biwon Millimono. « Je ne réponds pas à cette question », réplique le confrère.

Réquisitions

Le procureur, Biwon Millimono, accuse Sékou Jamal Pendessa de refuser de reconnaître les faits. « Il a troublé le cyberespace guinéen. Il a institué à manifester, alors que la manifestation était interdite », charge le magistrat. Selon lui, le fait d’appeler à un « déferlement humain sur Conakry » constituerait une infraction à la loi pénale. « La provocation doit être prise au sérieux », estime le procureur qui parle de concours et de réitération d’infractions. C’est pourquoi, il a demandé au tribunal de retenir Sékou Jamal Pendessa dans les liens de la culpabilité pour deux infractions : participation à une manifestation non autorisée et atteinte et menace de porter une atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique, à l’intégrité et à la dignité des individus par le biais d’un système informatique.

Au finish, le parquet requiert la condamnation de Pendessa à six mois de prison et au paiement de 500 000 francs guinéens d’amende.

« Le plus grand dictateur au monde a besoin des médias »

Dans sa plaidoirie, Me Gabriel Faya Kamano, de la défense,  affirme d’emblée que l’on ne peut se passer de la presse. Il focalise sa défense sur les conditions d’interpellation de Sékou Jamal Pendessa, le 19 janvier dernier. « Il a été cueilli dans la rue, sans convocation. Aucun droit ne lui a été notifié, de l’interpellation à l’enquête préliminaire ». Que son client avait été entendu sans avocat et que même la durée  légale de la garde-à-vue n’a pas été respectée. « Ses droits ont été largement violés », dénonce l’avocat. Me Kamano déclare qu’on ne peut pas remettre en cause la lutte syndicale, parce qu’on a la police, la gendarmerie à sa disposition. « On veut le forcer au silence définitif. On veut l’amener à renoncer à son combat syndical ». Pour l’avocat, les infractions portées contre son client ne sont pas constituées. Il plaide pour le renvoi de l’accusé à la fin des poursuites. L’audience continue au moment où nous mettions cet article en ligne.

Yaya Doumbouya