Mardi 19 mars. Les débats se sont poursuivis au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Après les avocats de la défense qui demandent le rejet de la requalification des faits, le procureur balaye d’un revers de la main, les arguments de la défense. Il soutient que la population a été victime d’une attaque généralisée et systématique au stade de Conakry, le 28 septembre 2009.

D’abord, le procureur Algassimou Diallo a répondu aux attaques des avocats de la défense. « Des intentions ont été prêtées au parquet. On nous a fait dire ce que nous n’avons pas dit, on nous a fait dire ce que nous n’avons pas  écrit. Grande a été une surprise d’entendre certains conseils des accusés vous prêter des intentions. D’aucuns ont menacé de boycotter les audiences au cas vous accéderiez à la demande de requalification, d’autres se sont livrés à un exercice de chantage ». Avant de dire que toutes les parties à cette audience sont demanderesse de justice. « Il y a une disposition forte qui vous est essentiellement propre, côté ministère public, nous la respectons vigoureusement : ce sont vos prérogatives contenues dans l’article 400 du Code de procédure pénale ». Pour le procureur, denier au ministère public qu’il peut poursuivre à charge et à décharge ne peut émaner que de la volonté de médisance. « J’ai  entendu qu’au cas au vous accéderez à la demande de requalification, les débats vont reprendre à zéro.  Les différentes phases du procès pénal sont connues par tous les professionnels. Ils vous ont entretenu par rapport à la non rétroactivité de la loi pénale de fond. Ils estiment que la loi de 2016 n’est pas applicable en l’espèce. Parce qu’au moment des faits, ce n’était pas ce texte législatif qui était en vigueur, l’article 6 du Code pénal vous dit tout le contraire. Tous les conseils se sont accordés à dire que le parquet n’était pas fondé à solliciter la requalification des faits en crimes contre l’humanité et responsabilité de supérieur hiérarchique. Motif pris, c’est que l’ordonnance de non-lieu partiel qui avait été entreprise par le Pool des juges d’instruction avait fait l’objet d’Appel ; la Chambre de contrôle de l’instruction avait confirmé ladite ordonnance contre cet arrêt et la Chambre pénale a rendu un arrêt le 25 juin 2019. Je voudrais faire une distinction pour rappeler les différentes phases du procès pénal, il y a la phase de l’instruction préparatoire et la phase de l’instruction définitive. L’arrêt dont on parle a été prononcé en phase d’instruction préparatoire. La question qui faille se poser, est-ce que cet arrêt peut vous empêcher, vous juge de fond, d’examiner le dossier en phase d’instruction définitive ? La réponse est non. Monsieur le président, votre tribunal est saisi de faits, il n’est pas saisi de qualification. Rien ne vous empêche, sur le plan légal, de restituer aux faits leur véritable qualification », a martelé le procureur Algassimou Diallo.

Le procureur Sidiki Camara est ferme : tous les éléments objectifs qui ont été récoltés au cours des débats vont vers la requalification des faits pour crimes contre l’humanité. Parce que, selon lui, il y a eu attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile. « C’est une population civile qui s’est rendue dans un endroit fermé, pour simplement exprimer son opinion par rapport à la situation politique de son pays. Cette société civile a été massacrée. Massacré par les hommes de la garde présidentielle, par la police, par la gendarmerie et des miliciens qui ont été recrutés à cet effet. Dans cette salle, vous avez vu des femmes qui ont été violées, qui sont venues pleurer ici. Quand on est avocat, on ne doit pas épouser une cause, on doit plutôt défendre son client, selon les arguments du droit. On a compris qu’il n’y a aucune fibre compassionnelle pour ces victimes qui ont défilé ici et qui ont pleuré ».

Le procureur estime que ceux qui sont assis dans le box des accusés sont des chefs militaires, des chefs hiérarchiques à ceux-là qui sont allés perpétrés le massacre au stade le 28 septembre 2009. « Tous ceux-là qui sont assis, chacun d’eux individuellement pris, a eu au moins à commander deux personnes. Donc, cela suffit pour les mettre dans le même sac. Chacun d’eux, individuellement pris, est responsable de ce qui est arrivé. Il y a bel et bien crimes contre l’humanité et il y a la responsabilité de commandement », a soutenu le procureur Sidiki Camara.

Mamadou Adama Diallo