L’élection présidentielle de 2010 a suscité un immense espoir pour les populations guinéennes et les milieux d’affaires nationaux et internationaux, en dépit des incidents regrettables qui l’ont émaillée. Cet espoir a donné lieu entre 2010 et 2012 à une mobilisation massive de partenaires au développement et d’investisseurs étrangers, pour soutenir les nouvelles autorités. Malheureusement, l’espoir suscité s’est progressivement transformé en cauchemar pour nos populations et en déception pour les milieux d’affaires.
En effet, la velléité des partis politiques à contrôler les principales institutions du Pays, notamment la CENI et le jeu politicien qui en a résulté, sur fond de déficit de confiance, ont entraîné la Guinée dans une interminable querelle entre les principaux acteurs politiques, l’organisation d’élections contestées, et provoqué des manifestations réprimées le plus souvent dans le sang, d’immenses dégâts matériels et donné lieu à des perturbations des activités économiques, fragilisant ainsi le secteur privé et aggravant davantage le chômage des jeunes et la pauvreté des citoyens.
Par ailleurs, les citoyens de toutes catégories observent non sans préoccupation l’ampleur et la vitesse auxquelles nos ressources minières et halieutiques sont exploitées et exportées sans un impact sur les conditions de vies des populations, ni un apport perceptible sur les finances de l’Etat.
A ce triste tableau, il faut ajouter l’ampleur et la banalisation de la corruption, le train de vie exorbitant et irrationnel de l’Etat, le détournement généralisé de nos ressources financières et immobilières par le biais de marchés gré à gré et des conventions d’exploitation des infrastructures et des entreprises publiques, souvent conclues dans des conditions opaques. La concession des droits de gestion des entités publiques comme l’Office des Chargeurs de Guinée, les opérations de rachats et de baux sur des immeubles et les domaines fonciers de l’Etat constituent d’autres formes de détournement sans compter la situation des sociétés et établissement publics véritables machines à sous, qui échappent au contrôle des structures appropriées.
Les conséquences néfastes de ce pillage sont supportées par le secteur privé guinéen à travers des mesures fiscales fallacieuses initiées par l’Etat. Pour cela, le Gouvernement profite de la faiblesse des organisations patronales, pour faire payer aux opérateurs économiques locaux les conséquences de sa mauvaise gestion économique et financière. Pendant ce temps, des compagnies minières, ainsi que des sociétés étrangères et nationales proches du pouvoir bénéficient d’exonérations fiscales excessives. En outre, le développement de l’insécurité vers des formes inconnues jusqu’à présent comme la prise d’otages d’opérateurs économiques nationaux pour des rançons à payer et l’impuissance des services de sécurité face à ce fléau confortent l’image de la Guinée, comme pays à risque.
Ces conséquences néfastes de la corruption et des détournements de fonds publics se répercutent surtout sur la bourse fortement éprouvée de nos pauvres concitoyens et des travailleurs, notamment ceux de la fonction publique dont les revenus sont déjà très insuffisants. En effet le pouvoir d’achat de ces couches sociales se déprécie constamment à cause d’une fiscalité injuste qui renchérit les prix des biens et des services nécessaires à leur survie.
Dans cette situation dramatique, notre jeunesse condamnée au chômage n’a d’autre alternative que l’exile. Ce qui place la Guinée, parmi les Pays en tête, de l’immigration clandestine des jeunes par la faute d’une petite minorité qui pille nos ressources et dilapide les deniers publics. Une déshonorante image pour un des Pays aux potentielles économiques les riches en Afrique.
Par ailleurs, l’administration publique, qui devrait offrir des services de qualité aux guinéens, est devenue un outil de récompense des militants des partis. Une triste situation qui fragilise l’autorité, décourage les compétences, favorise des dysfonctionnements, génère des injustices et des frustrations qui affaiblissent sérieusement l’efficacité et la crédibilité de l’Etat. L’administration devient ainsi un véritable frein au développement économique et social du Pays. Ce qui est aggravé par des disparités salariales inadmissibles dans la Fonction Publique, l’insuffisance de moyen de travail, le train de vie inconcevable de certains cadres face aux bas salaires de l’écrasante majorité des fonctionnaires.
La situation difficile ci-dessus décrite semble être devenue une impasse dans laquelle se trouve notre Pays d’autant que le Gouvernement peine à gérer convenablement les crises, les principaux représentants ou membres des institutions sont préoccupés par leurs enrichissements personnels, que la gestion des ressources publiques échappe au contrôle formel de l’Etat, que la corruption et les détournements se sont généralisés, les principales formations politiques sont obsédées à faire main basse sur notre jeune démocratie, en violant constamment les lois de la République, par des accords consensuels ; que le leadership politique et social est anéanti respectivement par le piège de la stratégie communautaire et la perception patrimoniale de la mission de service public, d’une part ; et de l’autre, par celui de la corruption et du manque de courage. Ensuite, le fondement ethnique de la base des deux principales formations politiques ainsi que, le blocage de leur leadership dans une logique de confrontation et de méfiance, font douter de leur capacité de rassemblement de notre Peuple. Ce qui commence à les présenter comme un frein à la cohésion sociale.
Une des illustrations les plus éloquentes de cette impasse se manifeste aujourd’hui par la récurrence des crises politiques et sociales, l’incapacité du gouvernement ces derniers à désamorcer ou à résoudre le moindre conflit, à répondre aux fortes demandes sociales et à garantir un climat d’affaires favorable aux entreprises.
La mauvaise gestion de la crise de l’enseignement et le récent désaveu du gouvernement par le Président de la République en écartant des négociations avec le SLECG les institutions gouvernementales compétentes au profit d’autres acteurs, démontre la gravité de cette triste réalité.
Pour sortir d’urgence notre Pays de cette impasse et renforcer les bases d’un développement économique et social harmonieux, nous invitons le Chef de l’Etat :
A faciliter rapidement la sortie de la crise sociale qui mine le secteur de l’enseignement depuis février 2017 en accédant aux légitimes revendications des enseignants pour permettre le retour dès cette semaine des élèves dans les salles de classe.
A mettre en place rapidement un Gouvernement de Mission chargé de rétablir la justice sociale, de restaurer la crédibilité et l’autorité de l’Etat et de désamorcer les tensions politique, économique et sociale, ainsi que le malaise général qui prévalent actuellement dans le Pays.
Ce gouvernement doit être technique et restreint, conduit par un cadre compétent et de forte personnalité, dotée d’une large marge de manœuvre. Il aura pour mission de :
Réduire le train de vie de l’Etat et le gaspillage des ressources publiques,
Créer une brigade spéciale chargée d’enquêter sur les cas d’enrichissement illicite,
Lutter contre la corruption et les détournements de deniers publics,
Mettre un terme à l’impunité,
Mener l’audit des comptes publics et de toutes conventions de cession ou d’exploitation de patrimoines, de droits et marchés publics,
Donner une suite judiciaire à tous les dossiers pendants et nouveaux de corruption et de détournements deniers publics,
Œuvrer à la réduction des disparités et des écarts salariaux dans l’administration, les institutions et entités para publiques,
Assurer le dialogue social et politique,
Préparer et faire respecter les calendriers des législatives de 2018 et de la présidentielle 2020 sans le Président Alpha Condé, en garantissant la transparence des scrutins dans le strict respect de la constitution et des lois actuelles.
C’est dans ordre d’idées que devront être envisagés la rationalisation de nombre de ministres et conseillers présidentiels, des missions extérieures des autorités et cadres, ainsi que de l’usage des véhicules de l’administration et des services et établissements publics.
Au regard du contexte qui prévaut, nous lançons un appel à tous les travailleurs de Guinée des secteurs public et privé, ainsi qu’aux parents d’élèves, pour une solidarité à l’endroit des enseignants et des élèves.
Nous encourageons les enseignants à redoubler de détermination et à sauvegarder leur unité dans leur légitime combat conduit les leaders du SLECG pour la qualification de l’enseignement guinéen. Que tous soient rassurés de notre soutien aux élèves et aux enseignants de Guinée qui partagent le même destin.
Nous invitons tous les citoyens guinéens au-delà de leur âge, sexe, appartenance religieuse, lieu de résidence, professions, à une mobilisation citoyenne pour sauvegarder la République, sa mission et ses acquis démocratiques.
Dans cet esprit, il sera lancé les jours et semaines à venir, une large concertation, sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger, dont les premiers contacts ont commencé dans les communes de Conakry et dans certaines préfectures, pour la naissance d’une dynamique citoyenne inclusive en vue de l’avènement en Guinée d’un nouveau mode de gouvernance plus juste et plus démocratique.
Conakry, le 5 Mars 2018
CITOYENS UNIS POUR LA REPUBLIQUE PCUD