Vendredi dernier, à Paris, loin de son pays, Sékouba Konaté ex-prési par intérim de la junte militaire s’est confié à Lamine-serrée Guirassy qu’il a lui-même cherché à rencontrer. Apparemment, il en avait jusqu’à la gorge et voulait tout vomir. Sur le plateau est apparu un général décontracté, gesticulant, évasif et visiblement pas en bonne santé. Son souffle était audible et donnait l’impression d’une personne qui étouffe. Ils ont abordé beaucoup de sujets : le dossier 28 septembre, le troisième mandat, le nouveau gouvernement et tout, et tout. Sur son exil difficile depuis bientôt 8 ans, il dit tenir le coup : « L’exil : ce sont les lois de la nature, mais je remercie le président français, le gouvernement français et la diaspora guinéenne en Europe. Le Maroc m’a très bien reçu, mais chez nous il y a la démagogie, le mensonge. Un officier qui a été évacué au Maroc m’a rendu visite. Il y a le consul de la Guinée, Rodafawaz est venu et l’a vu. L’officier m’a dit : général, il m’a vu, j’ai peur qu’il flashe Conakry, il y a mes enfants là-bas, ma famille. Je lui ai dit, envoie un message à ton chef. Pourquoi vous devenez d’un seul coup encombrant ? Demandez au président Alpha Condé ».
À vous écouter, vous avez gros sur le cœur est ce que vous êtes déçu d’Alpha Condé ? « Je suis déçu de lui, complètement déçu. Il n’y a pas un Guinéen qui n’est pas déçu de lui. Réellement. Voyez mon problème à partir du Maroc, Tchad, il a voulu m’envoyer où ? Au Congo. Il n’a qu’à faire doucement. C’est pourquoi je remercie le président français et le peuple français pour m’avoir ouvert leur porte ». Interrogé sur ses éventuels regrets, El-Tigre Konaté dit regretter « la non-reconnaissance du chef de l’Etat qui est là-bas, qui a été soit disant élu ». Alors qu’il a maîtrisé l’armée, organisé des élections et rendu le pouvoir aux civils avec l’aide de la communauté internationale, c’est malheureux, dit-il de voir tous ces gens qui ont participé à l’avènement de la démocratie abandonnés, c’est malheureux pour notre pays. Mais il ne regrette pas d’avoir quitté le pouvoir.
Les des-Sous
Élections présidentielles de 2010, El-Tigre a reconnu avoir reçu de l’argent des candidats : Sidya, Cellou et Alpha. « On me donnait de l’argent quand même, il ne faut pas le nier. Cellou Dalein Diallo, il y a eu Alpha Condé. Sidya a donné 5 000 euros à Baidy pour me remettre. Mais demandez à Baidy, j’ai retourné l’argent ».
Parlant d’argent, Lamine-serré Guirassy a abordé les 22 millions de dollars que lui et son clan aurait fait disparaitre : « Quand on m’a donné le chèque, je ne sais pas si c’est Rio Tinto ou je ne sais pas. J’ai dit à Dadis : voilà le chèque. Arrivé au Palais, Dadis a mis le peuple au courant. Quand il a eu les problèmes, moi, Bouba Barry et le gouverneur de la BCRG sommes allés à Ouaga. Dadis a dit au gouverneur : arrivé à Conakry, de sortir (NDLR: l’argent) et lui envoyer. À Conakry, je demande au gouverneur : il me dit de laisser tomber. J’ai demandé pourquoi il ne l’a pas dit devant Dadis, il dit qu’il ne voulait pas le blesser. Que cet argent est déjà dans les caisses de l’Etat. À Addis-Abeba, Alpha Condé m’a trouvé dans ma chambre avec l’actuel ministre des affaires étrangères du Burkina, il m’a dit : écoute, les 22 millions sont dans les caisses ». Contre toute attente, un jour, alors qu’il se la coulait douce au Maroc, Konaté apprend que le Prési Grimpeur a crié haut et fort qu’il n’a trouvé que 400 dollars dans les caisses. « Je l’ai appelé, son aide de camp Cdt Mory lui a passé le téléphone. Après, Alpha Condé m’a dit : j’ai dit cela pour que le FMI m’apporte de l’argent ».
Sur le dossier 28 septembre, El-Tigre n’a pas sorti ses griffes, et a botté en touche. « J’étais hors du pays, laissons la justice faire son travail. Je n’en sais absolument rien ». Il a même affirmé avoir été entendu par la DPJ. Sauf que la DPJ ne s’occupe pas du dossier, mais plutôt le pool des juges.
Corruption
Pour l’ancien prési par intérim de la junte, tout le monde sait que les gens sont en train de piller le pays. Alors qu’à son temps, il ne pouvait pas toucher à ces questions-là. « Nous savons combien les gens ont de l’argent : ils en ont au Brésil, à Dubaï, en Turquie. Vous parlez de qui ? Le peuple sait. Vous avez vu l’avion qui a été arrêté à Dakar, il y avait combien de milliards de dollars dedans. Qui n’est pas au courant de cela ? Moi je l’ai lu dans la presse. Les gens qui ont pillé le pays, envoyé de l’argent là-bas, ils vont rendre compte un jour ».
Du remaniement gouvernemental, Konaté dit voir les mêmes têtes, les mêmes hommes qui montent et circulent. « On a envie de voir d’autres têtes maintenant. Combien de gouvernements sont passés ? Ce sera la même chose ». De l’Alpha gouvernance, Konaté dit que l’Etat est une continuité. Pour lui, les régimes précédents avaient posé les jalons, lui ne fait que continuer.
Le troisième mandat
Le Général est catégorique, pas question de troisième mandat pour Alpha Grimpeur. « Il y a eu des vidéos qui ont circulé selon lesquelles vous avez soutenu un troisième mandat pour Alpha Condé ? Celui qui t’a dit ça, il a menti. Je dis que j’ai rencontré la plupart des grands de ce monde, surtout en Afrique. Certains m’ont dit que 5 ans, c’est très court, il faut 7 ans pour faire le boulot. Mais je n’ai pas dit que je soutiens un troisième mandat ».
Pour El-Tigre, il faut voir l’article 27 de la Constitution. S’il y a une possibilité de faire un référendum, ce sera avec le successeur du Grimpeur : « Ce que j’ai dit, l’ambassadeur américain a dit la même chose. Celui qui vient après pourra changer la constitution. C’est impossible de modifier la Constitution, c’est écrit. C’est la jeune démocratie, comment peut-on encourager des choses comme cela ? Nous-mêmes, en tant que militaires, avons organisé les élections, on est parti. Le peuple, personne n’acceptera ça, ce sera impossible. Une fois que ça s’est fait, toutes les voies sont ouvertes. Tous les moyens seront bons, il peut y avoir beaucoup de choses ».
Candidat à la présidentielle de 2020 ? Konaté dit qu’il est en train de réfléchir et décidera le moment venu et se prépare déjà à rentrer en Guinée dès février 2019.