La chape de plomb continue à s’abattre sur les têtes des habitants de l’axe Hamdallaye-Kagbelen. Le 7 novembre, le sang a coulé au quartier Wanindara, à l’issue de la journée ville-morte demandée par l’opposition respire-lacrymogène. Alors que la tension était retombée, les farces de l’ordre disparues des lieux, un groupe de jeunes cherchaient à rejoindre un vidéoclub après la prière. Il a été surpris par des militaires. Deux bérets rouges, selon des témoignages concordants ont aveuglément ouvert le feu vers 19h 45 minutes sur eux, avant de se retrancher à une essencerie du rond-point de la T5. Ces coups de feu, les premiers de la journée du mercredi, furent mortels. Deux personnes blessées, dont une grièvement et deux morts : Mamadou Bella Baldé et Mamadou Alimou Baldé.
Mamadou Bella Baldé alias Puspa, 26 ans, diplômé en relations internationales, employé d’une usine de la place, a été atteint d’une balle en pleine tête tandis que Mamadou Alimou Baldé, la vingtaine, jeune commerçant, a été abattu d’une balle au ventre à une dizaine de mètres de la boutique de son frère. De la bavure, Mamadou Oury Baldé, son oncle, ne s’attend pas à une justice : « Il est décédé, c’est fini ! Il n’aura pas droit à la justice, comme ce fut le cas pour toutes les autres victimes. Pourtant, c’est facile de mettre main sur ces criminels qui endeuillent les familles. Nos enfants ont droit à la vie, comme les enfants de ces bandits déguisés en policiers. Tu te bats toute une journée pour garder tes enfants à la maison, le soir on vient les tuer comme des animaux sauvages. S’il y avait une justice dans ce pays, elle aurait déjà bougé le petit doigt ».
Actif, très connu des rangs de la jeunesse de l’UFDG, dit-on, Bella Baldé aurait pourtant passé la journée hors du quartier. Selon ses proches, il était chez ses parents à la Carrière, avant de revenir vers 18h. Après la prière, il est allé avec quelques amis regarder les matchs de la ligue européenne des champions. C’est là que les militaires ont dégainé. Sa maman, sous le choc et d’une voix tremblante parle de son enfant : « Je ne dis pas que mon fils ne milite pas dans un parti politique, mais je suis persuadée qu’il n’est pas agresseur, ce n’est pas cela son travail. Il a fini ses études, il avait ses projets et se battait pour gagner sa vie honnêtement. Je me suis battue toute ma vie pour construire l’avenir de mes enfants. Aujourd’hui, on me prend mon fils, tout simplement, parce que quelqu’un d’autre n’est pas content de ce qui se passe dans la zone ». Et de renchérir : « Je ne pardonnerai jamais à ceux qui ont ruiné mes espoirs. Ils peuvent continuer à jouir de l’impunité et de la protection de leurs chefs, mais un jour, ils répondront devant l’histoire ».
Un flic dans les filets des protestataires
Le lendemain jeudi, le quartier Wanindara était un véritable champ de bataille. Les hostilités ont commencé avant même la prière de l’aube. Les jeunes, excédés et déterminés à venger leurs « innocents amis » ont barricadé la route à plusieurs endroits. Troncs d’arbres, grosses pierres, sacs d’ordures, tout a servi à bloquer la circulation, y compris des lampadaires. Malgré les multiples appels au calme dans les différentes mosquées, les jeunes n’ont rien voulu entendre. Les affrontements ont commencé tôt le matin : jets de pierres, gaz lacrymogène et coups de feu pendant toute la matinée. Dans ce tohu-bohu, un groupe de flics a été pris au piège à la T5, vers 9h. Encerclés, ils ont détalé. Mais un malchanceux a été intercepté par les manifestants et copieusement molesté. Il aurait été poignardé à plusieurs endroits, et laissé pour mort par les jeunes. Le flic sera récupéré un peu plus tard par ses collègues, qui le transportent d’urgence à l’infirmerie du camp Samory Touré, à Kaloum. En fin d’après-midi, le mégaphone de la police, commissaire Boubacar Kassé confirme que le brigadier-chef, Bakary Cas-marrant, en service à la CMIS de Bambéto, a succombé à ses blessures. Et l’annonce de l’annulation de la marche projetée ce jour n’a pas changé l’atmosphère dans le quartier. Des tirs sporadiques ont retenti pendant toute la journée, les flics ont semé la terreur à Wanindara. Ils ont investi les concessions, molesté nounous et ados, arrêté des jeunes, détruit des biens. Voilà l’image qu’ils ont laissée dans une dizaine de concessions et de boutiques. Une victime affirme même qu’une misère de 10 millions de francs glissants lui a été retirée, une autre parle de vol et de destruction de près d’une centaine de chaises. Plusieurs citoyens vivants le long de la route au niveau de ce quartier ont déserté les habitations pour se réfugier chez des proches ou des connaissances un peu plus loin.