Un regard de la géopolitique du continent africain montre que les actes terroristes n’affectent pas tout le continent. Au cours des récentes décennies, certaines des attaques les plus persistantes et les plus sanglantes ont eu lieu en Afrique du Nord, surtout en Algérie, pays affaibli dans les années 90 par une guerre civile qui a donné́ naissance à̀ des groupes comme Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) qui opèrent maintenant au-delà̀ des frontières de ce pays et jusqu’en Iraq. Pendant les guerres civiles des années 90 en Sierra Leone et au Liberia, des intermédiaires libanais impliqués dans le trafic de diamants ont pu alimenter Al-Qaida avec une partie de leurs profits. Mais il faut souligner que les attaques contre des civils innocents par des groupes rebelles aussi bien que par des troupes gouvernementales n’ont rien de nouveau dans les conflits armés en Afrique.
L’Afrique de l’Est a aussi connu quelques incidents dramatiques. Dans le Nord de l’Ouganda, l’Armée de résistance du seigneur, qui se proclame groupe chrétien fondamentaliste, fait sienne les méthode terroristes.
L’Afrique australe a jusqu’ici été le théâtre de peu d’actes de terrorisme en dehors de quelques attentats à la bombe en Afrique du Sud dont certains sont attribuables à̀ des groupes d’extrême-droite du pays. Mais il semble établi que des ressortissants de la région se sont joints à des groupes terroristes à l’estranger. Mais c’est la Somalie, qui a soulevé́ les plus grandes inquiétudes au niveau international étant donné la puissance de groupes armés, notamment les shebabs perçus comme hostiles aux intérêts occidentaux. Ce sont les attentats presque simultanés contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998, qui firent des centaines de victimes africaines et plusieurs victimes étrangères, qui ont mis en lumière la vulnérabilité́ du continent africain aux activités des réseaux terroristes internationaux comme Al-Qaida.
L’Afrique de l’Ouest est une zone géographique qui est vulnérable au terrorisme et au financement du terrorisme pour plusieurs raisons. D’abord, la sous-région ouest-africaine souffre d’instabilité́ politique, de violence ethnique et communautaire, de corruption endémique, de pauvreté́ galopante et de taux élevé́ de chômage et de sous-emploi, particulièrement chez les jeunes. Ensuite, les terroristes et les groupes terroristes exploitent aujourd’hui ces conditions négatives, notamment en rapport avec les jeunes. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a, dans son rapport sur l’indice du Développement Humain, classé 13 des 15 pays de la CEDEAO parmi les pays ayant un faible développement humain.

Aussi, la mauvaise gouvernance et des institutions publiques faibles et caporalisées sous-tendent la plupart des défis de développement humain dans la sous- région. Enfin, il faut noter que la plupart des frontières en Afrique de l’Ouest sont poreuses et il existe beaucoup d’espaces non gouvernés aux alentours des différentes frontières et, tous les pays de la sous-région manquent de capacité́ pour contrôler efficacement les frontières, entraînant une vulnérabilité́ exploitée par des groupes terroristes pour y établir des bases d’entrainement de leurs membres et pour transporter et distribuer des armes à travers la sous-région. Aujourd’hui, dans la sous-région ouest-africaine, cette montée du terrorisme est le fait de groupes terroristes particulièrement actifs. On peut citer :
– Al- Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), la branche maghrébine de la mouvance Al-Qaida, groupe le plus influent de la zone est Al-Qaïda au Maghreb islamique ;
-Boko Haram : Il y a une dizaine d’années, Boko Haram était un simple groupe d’étudiants en révolte contre la société nigériane, qui s’est peu à peu radicalisé. Boko Haram signifie le rejet d’un enseignement perverti par l’Occidentalisation ;
-Ansaru : est un groupe dissident de la secte Boko Haram. Apparu récemment, il est en pleine expansion et, est spécialisé dans l’enlèvement d’expatriés ;

-Ansar Dine : les défenseurs de l’Islam sont un des groupes qui avait uni ses forces avec Aqmi et le Mujao pour s’emparer du nord du Mali, supplantant les rebelles indépendantistes touareg;

– Mujao : Mouvement pour l’Unicité́ et le Djihad en Afrique de l’Ouest représente le visage de l’islamisme radical et du terroriste en Afrique de l’Ouest avec Boko Haram. A ces entités, il faut citer le front de libération du Macina (FLM) qui opère au centre, dans la région de Mopti, sous les ordres d’Amadou Koufa, un prêcheur peul.

Les liens qui s’établissent et se renforcent progressivement entre ces différents groupes portent les germes d’une menace particulièrement dangereuse et difficile à̀ combattre pour la sous- région ouest africaine. La situation dans le Nord et au Centre du Mali et le vide institutionnel et sécuritaire qui caractérise cette région, constituent aujourd’hui un facteur aggravant. Les régions nord et centre du Mali, du Burkina Faso et du Niger sont les plus affectées par ces violences. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso partagent 3.000 kilomètres des frontières poreuses qui facilitent la pénétration et l’implantation des cellules djihadistes dans la zone. Le mouvement terroriste Ansar Eddine d’après les services de renseignements a des combattants venant du sud du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Burkina, et tisse des liens dans la sous-région jusqu’à la frontière guinéo-malienne.

L’appui de la France : la force Barkhane

L’opération Barkhane, qui a succèdé à l’opération Serval le 1er août 2014, est une opération militaire menée par la France dans la bande sahélo-saharienne. Cette opération déploie 4000 militaires français et s’étend sur cinq pays, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. L’objectif de cette opération est la lutte antiterroriste dans toute la région. Pour ce faire, elle dispose de points d’appui et de bases temporaire au Mali, à Tessalit, Kidal et Gao. Aujourd’hui, en collaborant avec le groupe armé MLNA, les groupes armés, la société́ civile et une bonne partie de la population malienne conteste la force barkhane. Et, nombreux sont les maliens qui trouvent que la seule réponse militaire est contreproductive et a trouvé ses limites.

Quelle réponse ouest africaine face à̀ ces actes terroristes ?

Les États africains ont leurs propres raisons de réagir à ces menaces, cependant après les dramatiques attentats du 11 septembre 2001, de nombreux pays se sont sentis contraints d’adopter rapidement des lois antiterroristes draconiennes et de signer de nouveaux accords de coopération militaire avec les États-Unis et les pays européens. Et depuis dix ans, produit résultant d’une initiative des pays du Sahel que sont le Mali, le Niger, le Burkina, la Mauritanie et le Tchad, la force du G 5 sahel créée pour un règlement des crises soulève de nombreuses questions et peine à être opérationnelle. La mise en place de cette force du G 5 pose de nombreuses questions restées sans réponse notamment quant à son financement, sa capacité opérationnelle, la coopération politique entre ses cinq membres et sa place dans un espace sahélien où se chevauchent des actions et initiatives militaires et diplomatiques parfois concurrentes. Aujourd’hui, l’opinion qui prévaut en Afrique est que la campagne internationale contre le terrorisme initialement inspirée par les pays occidentaux a été́ conçue sans aucun apport des Africains. Aussi dans de nombreux pays comme au Nigeria et en Guinée tout récemment, les tentatives pour introduire des lois antiterroristes ont soulèvé des critiques particulièrement vigoureuses dans les États notamment du Nord du Nigeria à majorité́ musulmane. Comme le souligne à juste titre Boubacar Gaoussou Diarra, directeur du Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme, je cite « Comment devons-nous, en tant que sociétés démocratiques et respectueuses des droits de l’homme, assurer notre protection collective et combattre avec efficacité́ cette forme de violence intolérable ? »
L’Union africaine a promulgué en 2002 un Plan d’action sur les moyens de prévenir et de combattre le terrorisme en Afrique. Ce plan ne se limite pas aux dispositions précédentes qui concernaient essentiellement l’action de détection et de répression pour traiter également des causes sous-jacentes de la violence terroriste.
Ce Plan d’action demande aux États signataires de promouvoir une politique de réduction de la pauvreté́, d’aide aux populations déshéritées et marginalisées qui peuvent constituer de terreau de recrutement fertile pour les groupes terroristes. Combattre le terrorisme en Afrique de l’Ouest exige aussi une plus étroite coordination entre les pays africains et ses partenaires internationaux. C’est ainsi que dans la région du Sahel, les pays voisins commencent à mieux coordonner les actions qu’ils engagent contre AQMI. L’offensive de l’armée malienne contre ce groupe a bénéficié́ de renseignements fournis par les autorités algériennes.
Une meilleure coordination entre les gouvernements ouest-africains est cruciale, toutefois ces efforts exigent un financement plus important que celui dont ils bénéficient actuellement. Mais il est tout aussi essentiel, que les États ouest-africains et les organismes internationaux ciblent mieux la société́ civile ouest-africaine et ses associations nationales membres. En effet, la société́ civile ouest-africaine et les associations nationales peuvent aider à renforcer les efforts de l’Union Africaine. Elles peuvent aussi souligner l’importance de la protection des droits de l’homme et la nécessité́ de porter assistance aux communautés les plus vulnérables et les plus marginalisées. En échangeant des informations avec la société́ civile et en cherchant à̀ l’impliquer, les États renforceraient ainsi leur sécurité́. Car, trop souvent, les dirigeants ouest-africains ont tendance à̀ considérer les activités antiterroristes comme étant du ressort exclusif de l’État, tandis que les forces de sécurité́ traitent souvent les informations s’y rapportant comme relevant du secret-défense. Ceci prive les autorités nationales d’une précieuse source d’information à savoir le grand public, ce qui rend plus difficile l’instauration d’un climat de confiance auprès du public envers l’action antiterroriste des autorités des différents pays de la sous-région.
Par ailleurs, l’Afrique de l’ouest devra engager une lutte contre les facteurs qui favorisent la propagation du terrorisme, notamment par le biais de la résolution et de la prévention des conflits, la promotion du dialogue entre les religions et les différents groupes culturels, la lutte contre l’exclusion sociale et le soutien à une bonne gouvernance.
Enfin, les États ouest devront assurer une vraie coordination entre les différents services de police et de gendarmerie qui travaillent dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Il faudra mettre en place de vraies Directions des Renseignements Intérieurs et Extérieurs et doter ces dernières de tous les moyens financiers, humains et techniques car, la lutte contre le terrorisme exige la mise en place d’un système performant d’alerte et d’information. Dans cette lutte, la compréhension et l’analyse du phénomène du terrorisme sont indispensables pour venir à̀ bout de ce fléau.

C’est pourquoi, il est urgent de renforcer les moyens du Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme basé à Alger et d’installer des antennes de ce Centre d’études et de recherche dans tous les pays de la sous-région. Il faut aussi et surtout inclure les populations dans la construction de la paix.
Monsieur Ban Ki-Moon, le Secrétaire général de l’ONU soulignait a juste titre lors d’une de ses déclarations, je cite « le terrorisme nuit à tous les pays, petits et grands, riches et pauvres, Il prélève un tribut sur des êtres humains de tout âge, de tous revenus, de toute culture et de toute religion. Il porte un coup contre tout ce que représentent les Nations Unies. La lutte contre le terrorisme est notre mission commune »

Aliou BARRY
Consultant international