Entre le pouvoir et El Hadj Sékhouna Soumah, tout espoir d’entente au sujet du 3e mandat est perdu. Le Kountigui de la Basse Guinée avait brillé par son absence à l’accueil triomphal que sa région avait espéré réserver au président Alpha Condé, le 4 mai à Kindia. Un grand vide, par delà, un impardonnable affront. Et la riposte n’a pas tardé. Pire, elle a été administrée à un moment inattendu, inapproprié : le 14 juin, lors des obsèques de la mère d’Ibrahima Kassory Fofana à Forécariah. La loge officielle fut interdite d’accès à l’autorité morale de la Basse-Guinée qui a dû suivre la cérémonie comme le citoyen lambda, après avoir été couverte d’insultes et bousculée par des gros bras. Les mêmes qui l’humilient aujourd’hui sont les mêmes « qui l’ont fabriquée hier ». Lors de l’inauguration du barrage de Kaléta le 28 septembre 2015, le Kountigui était alors adulé par le pouvoir pour avoir soutenu publiquement la réélection du président Alpha Condé pour un second mandat.
En Afrique, en pareilles circonstances, les pires ennemis se serrent normalement la main, quitte à reprendre les hostilités la période de deuil passée. En 2016, on avait vu Alpha Condé au domicile de Cellou Dalein Diallo lorsque ce dernier avait perdu son frère aîné. Le chef de l’Etat s’était même permis de chahuter avec la femme du chef de file de l’opposition. Le président de la République a également prié sur la dépouille mortelle du maire de l’opposition, Souleymane Taran Diallo, exposé le 28 juin dernier au Palais des sports du Stade du 28 septembre. Même si l’ambiance paraissait moins détendue entre lui et Cellou Dalein Diallo, également présent dans la salle.
Le fair-play et la trêve semblent bannis des rapports entre l’actuel Kountigui et le pouvoir, peu importe les circonstances. Chacun ne rate plus l’occasion d’afficher son hostilité vis-à-vis de l’autre. Une photo sur internet montre El Hadj Sékhouna Soumah escorté par des body gars qui affichent fièrement leurs t-shirts rouges frappés de la mention « Non à un 3e mandat » ! Les nombreuses échéances électorales approchent : législatives en fin d’année, présidentielle l’année prochaine et entre les deux, un hypothétique référendum constitutionnel qui sonne comme un saut dans l’inconnu. La Basse-Guinée reste un enjeu électoral de taille. Sidya Touré démissionnaire de son poste de Haut représentant devient de plus en plus intraitable sur l’impérieuse nécessité d’une alternance en 2020.
Le pouvoir jette son dévolu sur un centenaire
Face à tous ces facteurs de blocage, défavorables au projet d’adoption d’une nouvelle Constitution, trouver ou créer un Kountigui acquis au pouvoir devient une urgence. Le régime jette son dévolu sur El Hadj Doungou Soumah. « Un Baga de Kaloum de plus de 100 ans », confie El Hadj Sékou Béka Bangoura, l’autre Baga qui se présente comme son frère. « Du fait de son âge, ses ressources intellectuelles lui font défaut. Il n’est plus cohérent. C’est un patriarche respecté mais qui ne peut plus être Kountigui. Il n’a pas d’assises même sur Conakry, à plus forte raison sur la Basse-Guinée », renchérit-il. Mieux, la tradition veut que le Kountigui ne vienne pas de la capitale qui n’est qu’une portion de la région.
La nouvelle de la volonté du pouvoir de faire d’El Hadj Doungou Soumah son Kountigui en Basse-Guinée s’est répandue dimanche 30 juin sur Conakry. Des pontes du régime Condé dont Malick Sankhon, directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale, organisaient ce jour des sacrifices chez le patriarche Soumah à Kaporo-rails, selon des indiscrétions. A l’occasion, « la question du 3e mandat s’y est invitée. Ce qui a provoqué la colère des jeunes de Kaporo-rails qui ont dispersé la rencontre par des jets de pierres », confie une source anonyme. Réagissant à cette actualité, l’actuel Kountigui de la Basse-Guinée, El Hadj Sékhouna Soumah, réitère être le seul maître à bord. Il annonce à La Lance qu’il tiendra un meeting ce 4 juin à Dubréka, pour confirmer sa suprématie.
Diawo Labboyah Barry