La réforme du secteur de la justice vient de prendre un coup. En guise de protestation contre les retards lors des audiences, les avocats ont décidé à l’unanimité de bouder le tribunal de première instance de Mafanco, le 8 juillet 2019. Pourtant, une trentaine d’entre eux était déjà là avant 9h, prêts à enfiler leurs robes pour défendre leurs clients dans la quarantaine des dossiers inscrits au rôle. C’est devenu une habitude. Les audiences prennent des retards énormes. Cela, depuis des années. Ces derniers temps d’ailleurs les procès démarrent généralement aux portes de midi dans les différents tribunaux de Conakry. Une vraie torture pour les prévenus et leurs conseillers. Ce qui a fait déborder le vase ce 8 juillet, c’est une nouvelle réunion à l’improviste entre le parquet et la présidence du tribunal de Mafanco. « Chaque semaine, ils attendent notre arrivée pour initier des réunions. Ce sont des gens incompétents qui ne savent même pas comment gérer une juridiction. Ils ne peuvent pas nous prendre pour leurs sujets », s’exclame un homme en robe. Un autre de renchérir : « Qu’ils viennent tenir leur audience sans nous. Si un avocat se présente ici, il aura violé le principe de confraternité et il sera passible de sanctions ». La décision de boycotter l’audience a été prise de commun accord avec l’Ordre des avocats. Me Facinet Soumah explique : « Notre démarche est fondée, parce qu’on doit montrer du respect aux avocats. Quand ils sont là pour des procès, ils doivent bénéficier de tout le respect possible. Vous constaterez qu’il y a des anciens bâtonniers parmi nous, des doyens qui sont là depuis 8h. A notre entendement, cela constitue un manque de respect à l’égard des avocats. C’est ce qui nous a poussés à faire le vide. Nous ne pouvons pas passer toute la journée pour ces audiences sans rien faire. C’est une habitude pour ces juridictions, les avocats sont à l’audience à l’heure, mais eux les juges ne montent pas tôt ».
A sa prise de fonction, le nouveau bureau de l’Ordre des avocats a tenté d’inverser les choses : « Nous sommes passés devant toutes les juridictions pour expliquer ces dysfonctionnements. Ils nous ont promis que les choses ne se répéteront plus jamais. Mais aujourd’hui, c’est pire. Il faut que ces pratiques s’arrêtent », ajoute Me Soumah.
Cette décision a concerné le TPI de Mafanco, elle pourrait être étendue aux autres juridictions dans les prochaines semaines, à en croire certains avocats. Au grand dam des prévenus qui attendent ces audiences pour être situés sur leur sort.
Yacine Diallo