Le feuilleton judiciaire de votre groupe de presse continue. Après Souleymane Diallo, PDG du groupe de presse Lynx – Lance, c’est Aboubakr, le directeur de la radio qui se voit placé sous contrôle judiciaire ce mercredi 21 août 2019. La décision lui a été signifiée au tribunal de première instance de Kaloum ce mercredi.

Initialement « invités » ce lundi 19 à discuter des articles 105 et suivants de la loi sur la liberté de la presse, et de l’article 29 de la loi sur la cybersécurité dans les locaux de la direction centrale de la police judiciaire, ils sont inculpés de « complicité de production, de diffusion et de mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publique ou à porter atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système informatique« . Apparemment au pays du Grimpeur, la radio est un système informatique et ses journalistes, des cybercriminels.

Yala, notre gros lynx, a obligation de se présenter chaque mercredi et vendredi devant un juge. Aboubakr, lui se voit obligé de quitter sa tanière plus tôt les lundi, mercredi et vendredi pour montrer patte blanche. Grosse nouveauté, il lui est interdit d’animer son émission Œil de Lynx jusqu’à la fin de l’instruction. Aux deux, il est interdit de quitter la ville de Conakry, de faire le moindre déplacement sans l’accord du doyen des juges d’instruction, avec obligation de déposer leurs passeports. Les avocats du groupe ont déjà déclaré faire appel de cette décision.

L’origine de ces bienveillances ? L’édition du 31 juillet 2019 de l’émission Œil de Lynx où l’invitée, Dame Doussou Condé, a tiré à boulets rouges sur plusieurs pontes du pouvoir, notamment le ministre de la dépense, Dr Diané. Une procédure hors-normes, en contradiction flagrante avec les lois du pays, est depuis engagée. Cette fois encore, la loi organique L002, qui précise la notion même de liberté de presse définie dans notre constitution, les rôles et attributions de la Haute Autorité de la Communication et qui encadre exclusivement le traitement des délits de presse, est foulée au sol car jugée trop clémente. À la place, le procureur a préféré la loi L0037 sur la cybersécurité, une loi ordinaire. Plusieurs associations de défense des droits humains avaient donné l’alerte dès 2015 sur le caractère hautement liberticide de ce texte, qui figure parmi les plus répressifs de notre arsenal juridique.

Cette énième agression de la presse survient dans un contexte tendu, dans lequel des velléités de modification illégale de la Constitution sont imputées au professeur Alpha Condé. Un sit-in des professionnels des médias est prévu ce lundi 26 août 2019 en guise de protestation.

Mohamed Diallo