La semaine passée, en compagnie des ministres de l’Administration du territoire et de la décentralisation, ceux de l’Economie et des finances, de la Coopération et de l’intégration africaine, le Premier ministre, Kassory Fofana, était en tournée en Haute Guinée. A la maison des jeunes où il a présidé l’ouverture de la première édition du Salon national des entrepreneurs de Guinée pour la région de Kankan, Kassory Fofana a précisé aux médias l’objet de son voyage en pleine période de campagne pour les législatives du 16 février. « C’était pour toucher du doigt la pertinence des politiques publiques mises au service de la nation pour éradiquer la pauvreté absolue. La Guinée s’est globalement enrichie en doublant son PIB en moins de dix ans. Ce qui manque, et ce sur quoi le président Alpha Condé nous a donnés instruction de travailler, c’est comment traduire cette prospérité économique dans le quotidien des Guinéens. Que monsieur Balla dise : certes j’ai l’électricité parfois, contrairement au passé. Mais, j’ai la vie dure : je loge mal, je n’ai pas de source de revenus, je n’ai pas accès à l’eau, mes enfants n’étudient pas comme les autres ».
« Tuer l’extrême pauvreté en cinq ans ! »
Le discours sur la redistribution de la richesse n’est pas nouveau. Le Premier ministre l’avait tenu lors de son investiture en mai 2018 et l’a réitéré dans son discours de politique générale devant les députés. Certains parmi ceux-ci avaient conclu que si l’ambitieux programme était mis en œuvre tel que le prévoit Kassory, la Guinée serait un paradis. Deux ans après, le Premier ministre précise le procédé de redistribution de la prospérité. « La politique du partage de la prospérité a été mise en place à travers certains outils : ANIES, ANAFIC, AGUIFIL (Agence guinéenne de financement du logement social) qui va connaître son décollage dès février. Ceux qui croient que quand je dis qu’on va tuer l’extrême pauvreté dans cinq ans, c’est de la démagogie, c’est un économiste qui vous parle. Oui, je le confirme ! L’extrême pauvreté, c’est tous ceux qui vivent avec un revenu au-dessous de 1, 25 dollars. La pauvreté, c’est 1, 90 U$ par jour. Ceux qui sont en dessous de 1, 25 U$, environ 1 000 FG par jour, correspondant à 360 000 FG dans l’année, sont considérés extrêmement pauvres ».
Kassory Fofana de renchérir : « Le programme ANIES permet de récupérer à terme, en cinq ans, 6 millions de Guinéens sur 13 millions, soit près de la moitié. Il va garantir à cette moitié un revenu minimum de 250 000 FG par mois. Oui ou non on pourrait sortir cette frange de la pauvreté absolue ? Sans compter que des études économiques pertinentes ont prouvé que quand tu investis 100 U$ sur un individu pauvre, sous l’effet multiplicateur, cela donnera 270. Ce n’est pas inventé, c’est prouvé. Le programme du professeur Alpha Condé sortira en cinq ans la Guinée de l’extrême pauvreté. C’est ce programme qu’on est venus lancer en Haute Guinée : cette année, 400 000 de nos concitoyens, l’année prochaine 2 millions et à terme, sur cinq ans, les 6 millions visés. Ce qui va sortir la Guinée de la carte de l’extrême pauvreté mondiale ».
Du sac de riz en 2010 aux billets de banque
Pendant que Kassory Fofana tenait ce discours dans la maison des jeunes de Kankan, à l’extérieur, des femmes, pour la plupart nourrices, grisées par le soleil, traversaient la ville avec des paniers d’igname sur la tête. D’autres montaient la garde depuis des heures devant la bâtisse, attendant d’hypothétiques clients parmi les délégations venues de Conakry, des régions de la Haute Guinée et de la Guinée forestière pour participer au SADEN régional de Kankan. Ces misérables femmes auraient sûrement besoin d’une agriculture mécanisée, d’eau potable, de la santé, de l’école pour leurs enfants, de l’électricité, de routes moins défoncées reliant leurs villages respectifs au marché pour écouler leurs produits plutôt que de billets de banques distribués sur fond d’achat des consciences dans un contexte électoraliste. Elles préféreraient sûrement gagner leur vie à la sueur de leur front, dans un environnement rendu favorable par de meilleures politiques publiques de développement, que de l’argent facile dont nul ne peut garantir l’efficacité de l’utilisation. Entre les deux tours de la présidentielle de 2010, ce sont des sacs de riz qui avaient été distribués aux électeurs. Les Guinéens ont faim aujourd’hui plus qu’hier. L’adage est bien connu : « Au lieu de donner du poisson chaque jour à quelqu’un, mieux vaut lui apprendre à pêcher ». Alpha Condé et son gouvernement ont eu dix ans pour éradiquer l’extrême pauvreté en Guinée. L’heure du bilan a sonné.
Diawo Labboyah Barry