Conakry, 30 jan 2020 (AFP) – Les forces de sécurité de Guinée, au comportement déjà stigmatisé, font face à une vague d’indignation après la diffusion d’une vidéo virale paraissant les montrer, à leur insu, se servant d’une femme comme bouclier lors des troubles en cours dans le pays.
La vidéo, dont la provenance originale n’a pas été identifiée par l’AFP, s’est répandue sur les réseaux sociaux mercredi soir et a été visionnée des centaines de milliers de fois.
La police n’en a pas contesté l’authenticité. Le policier principal protagoniste de la scène a été arrêté, a dit à un correspondant de l’AFP le général Ansoumane Baffoe Camara, directeur général de la police nationale, sans plus de précision.
Pour l’opposition, ces images, les dernières en date mettant en cause policiers et gendarmes dans un contexte de troubles, sont le signe que « nous avons atteint toutes les formes de violation des droits humains ».
Le ministère de la Sécurité a présenté « ses excuses à toute personne ayant eu à subir une de ces outrances », dans un communiqué se référant de manière générale aux informations récentes sur les violences policières.
La vidéo, marquée d’un tag situant la scène mercredi à Wanidara, montre quatre policiers casqués faisant apparemment face à des jeunes lanceurs de pierres, d’abord hors champ, dans cette banlieue populaire de Conakry. L’un des policiers avance au-devant des émeutiers en poussant une femme devant lui, semble-t-il contre son gré. Quelques cailloux et projectiles anti-émeutes sont échangés, jusqu’à ce que les policiers battent précipitamment en retraite devant une charge des lanceurs de pierres. Le policier emmène la femme, semblant à un moment la traîner au sol. Celle-ci a raconté jeudi aux médias avoir été blessée et s’être rendue à l’hôpital pour des soins avant de rentrer chez elle.
« Toucher le fond »
« Après les tirs dans les cimetières, les lieux de culte, même sur des ambulances, aujourd’hui la milice (du président) Alpha Condé (se livre aux) prises d’otages », écrit sur sa page Facebook le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), parmi un flot de commentaires outrés. Le collectif FNDC mène depuis mi-octobre la contestation contre le projet prêté au président Condé de briguer un troisième mandat fin 2020, alors que la Constitution en limite le nombre à deux. Le pays est depuis en proie à une agitation dans laquelle au moins 28 civils et un gendarme ont été tués.
Le mouvement, à plusieurs reprises sévèrement réprimé, a jeté une lumière crue sur le comportement des forces de sécurité guinéennes, dénoncé de longue date par les défenseurs des droits humains. Plusieurs vidéos accusatrices, montrant par exemple des policiers frappant des civils arrêtés ou un vieil homme, ont circulé sur internet.
Dans un rapport publié en novembre, Amnesty International pressait le président Condé « de mettre fin au règne de la peur et de la répression ». Elle notait que 70 manifestants ou passants avaient été tués depuis 2015 lors de rassemblements, témoignages et munitions désignant les policiers ou les gendarmes. Elle fustigeait « l’impunité » dont jouissent les forces de sécurité.
Le ministère de la Sécurité a jugé jeudi « totalement inacceptable que des innocents aient à souffrir des opérations de maintien de l’ordre ». Il annonce des enquêtes immédiates sur « les cas récemment enregistrés ». Tout agent en faute « sera recherché et sanctionné », assure-t-il. Les défenseurs des droits humains soulignent que de telles assurances ne sont quasiment jamais suivies d’effet.
Recourir à des boucliers humains constitue une « violation grossière et inacceptable des droits humains », dit François Patuel d’Amnesty International, tout en soulignant que la vidéo est toujours en cours de vérification par son organisation. Il note cependant que les uniformes et l’équipement des policiers sont cohérents avec ceux de la police guinéenne. Si sa véracité est confirmée, « les forces de police toucheraient encore plus le fond », a-t-il dit à l’AFP.
Source : AFP