« C’est la situation la plus sensible aujourd’hui dans la région et l’engagement du président Alpha Condé à demander une réforme de la Constitution ne nous paraît pas être obligatoirement partagé ni par sa population ni par ses voisins. » Ainsi parlait Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étranges, devant l’Assemblée nationale, elle aussi bien française. Conakry n’a pas tardé à sortir de ses gonds pour cette ingérence inacceptable dans ses affres internes. Il va falloir montrer à M. Le Drian que la Guinée et ses Guinéens sont connus pour avoir été indépendants et souverains depuis le 2 octobre 1958.

La réaction aura été immédiate. Spontanée. Nationaliste à souhait. Si vous avez d’autres qualificatifs, surtout dans le superlatif, on vous attend impatiemment. Il va falloir prouver au reste du monde que l’on ne s’ingère pas impunément dans nos affaires intérieures. Que l’on ne badine pas avec le premier pays indépendant d’Afrique francophone. N’est-ce pas nous qui avons osé donner le premier coup de pied à cette fourmilière impérialiste nauséabonde qui pourrissait les concepts de liberté et de dignité en Afrique Occidentale ? Où est donc le peuple de Septembre ?

Premier à lever la main pour une réponse cinglante, l’Honorable Amadou Damaro Camara, le chef de l’honorable groupe parlementaire de la majorité pestilentielle et patron incontesté du président de l’Assemblée nationale guinéenne. L’honneur lui revient de rappeler à l’attention du monde entier que Jean-Yves Le Drian « n’est pas le ministre des Affaires étrangères de la Guinée. Depuis une quarantaine de jours, toute la France est en grève. C’est préoccupant, ça aussi. Il s’agit de la Guinée, non de la France. » Damaro déplore que les médias réactionnaires ne l’aient pas interrogé à propos de la sortie d’Ibrahim Boubakar Kéïta, le Président du sud malien qui avait applaudi à l’idée de voir Alpha Condé grimper sur le fauteuil pestilentiel du 3è mandat. Sans nous expliquer pourquoi lui, Kéita, n’a pas osé tenter l’aventure. Damaro n’a surtout pas expliqué pourquoi le soutien ouvert d’IBK pour le 3è mandat d’Alpha ne constitue aucunement une ingérence dans les affaires intérieures de la Guinée. C’est parce que simplement le Président du Mali du Sud est noir. Entre noirs, on se comprend. On s’entre-aide. On s’entre-aide non seulement entre noirs de peau, mais aussi entre anciens communistes.

Aussi, la déclaration retentissante de l’ancien brigadier et ambassadeur de Russie en Guinée, qui avait invité Alpha Grimpeur à réviser la Constitution pour s’éterniser au pouvoir, ne saurait-elle constituer une ingérence. C’est pourquoi, Damaro n’en a absolument rien dit. On le comprend parfaitement. On l’applaudit à tout rompre. Une puissance étrangère qui invite notre Président Grimpeur à fouler la Constitution aux pieds pour continuer à régner en maitre absolu sur son pays ne s’ingère aucunement dans nos affaires intérieures. C’était plutôt l’inestimable contribution de M. Bregadzé à la consolidation de l’indépendance des peuples opprimés.

Et tenez-vous bien ! Damaro n’a pas été le seul à avoir recadré Jean-Yves Le Truand. Mamadi Touré, le vrai ministre des Affaires étrangères de la « Guinée fière et jeune » ne pouvait pas ne pas entrer en Seine. Il a administré au ministre français des affaires étranges une véritable leçon de politesse et d’humilité. « La République de Guinée est respectueuse de la souveraineté de tous les Etats, reconnaît le droit de tous les peuples du monde de faire le choix de leur avenir et de décider de leur destin. Tout comme ouverte aux débats et à la contradiction propres à la démocratie, la Guinée reconnaît à chacun de ses citoyens et à d’autres le droit et la liberté de donner leurs points de vue sur n’importe quel sujet qui ne peut faire l’unanimité dans aucun pays et dans aucune société démocratique… Dans le respect des lois qui la régissent, la République de Guinée rassure tous ses partenaires que ses choix tiendront compte, dans la transparence et l’équité, dans la volonté du peuple seul souverain, de ses engagements internationaux ».

Ainsi, M. Le Drian aura tout le temps pour apprendre, à ses dépens, comment on doit traiter un ancien colonisé fier et jeune. N’est-ce pas dans cette figure de style que notre Président Grimpeur adressait ses mille et une sollicitations au même Yves Le Drian quand celui-ci s’occupait des questions de défense dans les couloirs de l’Hôtel de Brienne ?

Dans tous les cas, le ministre français des Affaires étrangères doit savoir que la Guinée a toujours accompli avec fermeté son devoir de recadrer les sorties malheureuses des ennemis de notre diplomatie. Droit dans ses bottes, El Dadis avait rappelé que « la Guinée n’est pas une sous-préfecture de la France. » Mieux ou pire, avant-même l’accession du pays à l’indépendance, précisément le 25 août 1958, Sékou Touré avait vertement recadré le Général de Gaule, « le Chef de la France », en lui rappelant fermement que « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage ». De Gaule n’avait même pas osé s’y attarder. Il avait plutôt envoyé Houphouët-Boigny pour nous dire que lui, « il partage la richesse, non la pauvreté ».

Le monde entier sait que nous, on s’en fout ! Tous les Guinéens qui y étaient allés pour assister au partage sont rentrés sains et saufs. Exceptés ceux qui ont librement choisi de passer par le Sahara et la Méditerranée. Non ?