Le Prési Alpha Grimpeur et son clan filent, la tête sur le guidon, vers les légis-tardives et le referendum, le 1er mars prochain, contre l’avis d’une frange importante de Guinéens et sans la participation des ténors de l’opposition. Mais le chef de l’Etat et sa mouvance disent à qui veut l’entendre que la nouvelle Constitution vient régler ‘’les imperfections de l’actuelle, moderniser les institutions et donner la chance à la jeunesse et aux femmes de participer au développement’’ du bled. Après la publication de l’avant-projet de cette nouvelle Constitution, un groupe de juristes guinéens et étrangers s’est attelé à faire son analyse juridique et sa comparaison avec celle en vigueur. Ces juristes, après d’intenses travaux, ont produit un rapport de 128 pages. Il fait état d’une grosse menace de la démocratie au cas où le projet passait. Pour Me Alpha Yaya Dramé, avocat (sans vinaigrette) au barreau de Lille, il n’y a absolument rien de nouveau dans cette nouvelle Constitution : « La chose qui a peut-être changé c’est l’acceptation des candidatures indépendantes. En dehors de ça, c’est la régression… On vous a annoncé que le projet de la nouvelle Constitution a pour but de moderniser les institutions. Ce qui veut dire que les institutions caduques ou inefficaces. Mais ce qui est plus inquiétant dans l’avant-projet c’est la question de l’équilibre des pouvoirs. Dans l’avant-projet actuel, l’équilibre des pouvoirs est complètement rompu. L’avant-projet est une constitution taillée sur mesure pour une seule personne ». Il en veut pour preuve la situation de la Cour constitutionnelle dont le prési pourrait être nommé si la nouvelle Constitution est adoptée : « Chacun d’entre vous a son opinion sur la Cour constitutionnelle. Désormais les cinq membres sont quasiment désignés par le chef de l’Etat. Ce n’est plus les membres de la Cour qui désignent leur président, mais le chef de l’Etat par décret. Il peut le débarquer quand il veut, alors que dans la Constitution en vigueur ce n’est pas possible ». Me Dramé estime d’ailleurs que « l’avant-projet qui faisait 161 articles est réduit à 157 articles. Ce qui veut dire que les 157 articles ne peuvent pas être soumis à referendum parce que la Cour Constitutionnelle n’a été saisie que sur l’avant-projet des 161 articles ».

L’avocat qualifie les rédacteurs (non encore connus, ndlr) de cet avant-projet d’arnaqueurs : « Moi je vais dire au Président que ceux qui ont rédigé cet avant-projet l’ont trompé. C’est une arnaque pure et simple. S’il l’ouvre et le lie il se rendra compte qu’il a jeté son argent par la fenêtre. Mais personne ne revendique la paternité de ce travail, peut-être que c’est fait à dessein. On dit qu’on est en train de changer des choses, on coupe un alinéa de l’article 3 on le colle à l’article 6, on vous dit qu’on a reformé ».
De la question de la corruption
Dans l’actuelle Constitution, il est clairement mentionné que les crimes économiques sont imprescriptibles. Aucune trace de cet article dans l’avant-projet : « Désormais l’expression ‘’la corruption est un crime’’ disparait, ensuite le crime en question n’est plus imprescriptible. Ça veut dire que si la Constitution est adoptée, les crimes économiques qui ont eu lieu entre 2010 et 2020, personne ne pourrait être poursuivie. Moi j’appelle ça de la constitutionnalisation de l’impunité. Alors qu’actuellement même après la mort de celui qui a détourné, l’Etat peut toujours le poursuivre ».
De l’indépendance des magistrats
Dans l’avant-projet de la nouvelle Constitution, ‘’l’indépendance’’ des magistrats pourrait remise en cause : « Quand vous faites une étude comparative vous vous rendez compte qu’il y a un recul par rapport au renforcement de l’indépendance des magistrats. Actuellement ils sont nommés par décret après avis du conseil supérieur de la magistrature. Mais avec l’avant-projet il est dit qu’ils sont nommés par décret sur proposition du ministre après simple avis du conseil supérieur de la magistrature. Le Président a donc la liberté de faire ce qu’il veut. Ce qui veut dire que les magistrats qui voudront s’en tenir à leur indépendance se verront mutés sans protection » assure Me Pépé Antoine Lamah. Ces avocats invitent leurs collègues qui justifient le changement constitutionnel à un débat juridique sans passion sur l’actuelle Constitution et l’avant-projet de la nouvelle Constitution.
Yacine Diallo