A son arrivé au pouvoir en 2010, Alpha Condé semblait souffrir d’une maladie que l’on pourrait bien appeler «la hantise de l’hôtellerie,» mise en exergue dix ans après par la crise de Coronavirus. Le phénomène est loin d’être gratuit. Le long combat politique d’opposant historique qu’il a mené jusqu’à son arrivée au pouvoir l’a exposé à l’expérience contrastée de la vie hôtelière. Des hôtels de toutes les catégories ont marqué ses voyages à travers le monde et ponctué ses rendez-vous planifiés ou impromptus, ses réceptions d’ordre amical ou affairiste, jusqu’à son élection chaotique du 7 novembre 2010.
Proclamé vainqueur, Alpha Condé est confronté à la dure réalité protocolaire que vivait la Guinée d’alors. Quasiment aucun hôtel digne de ce nom pour accueillir les chefs d’Etat qui avaient exprimé le souhait d’assister à la cérémonie de prestation de serment. Son élection avait également suscité énormément d’intérêts dans les milieux d’affaires aussi bien dans la sous-région qu’en Europe, voire au-delà. Comment alors répondre aux besoins pressants d’hébergement auxquels le pays était confronté?
La réponse est venue du carnet d’adresses d’Alpha Condé lui-même. Le nouveau président guinéen a dû subitement se rappeler que l’un de ses amis intimes, nommé Blaise Compaoré, s’était fait élire à la tête du Burkina Faso dans des conditions mille fois astucieuses. Alpha a alors tôt fait d’emprunter le chemin de la débrouille pour obtenir la quasi synchronisation des deux prestations de serment. Le président du Faso choisit la date du 20 décembre 2010, pour laisser celle du 21 à son infortuné ami et homologue de Conakry. Ainsi, ceux des chefs d’État et de Gouvernement qui ne pouvaient pas dormir à Conakry, faute d’hôtel, pouvaient commencer leur périple par le Burkina. Arrivés à Ouagadougou le 20 décembre, il était parfaitement possible d’assister à l’intronisation de Compaoré, y passer la nuit pour arriver à Conakry le 21 sans déranger aucun Guinéen. Quitte à eux de repartir aussitôt la cérémonie terminée. Et la boucle est bouclée. Il fallait tout simplement y penser.
A peine installé au pouvoir, Alpha Condé se fixe l’impérieux devoir de mettre le pied dans la fourmilière. De nouveaux hôtels se sont mis à pousser comme des champignons. La plupart des anciens, octroyés à des amis sûrs, reçoivent de sérieux coups de pinceau. Entre quatre voyages du président de la République, trois visites d’Etat et d’amitié de chefs d’État étrangers et deux conférences internationales tenues dans la capitale guinéenne, Conakry ne peut plus se plaindre de manque de suites et de chambres d’hôtel. Les étoiles ont fini par briller de toute leur splendeur.
Malheureusement, l’ancien opposant historique n’est pas un homme de dossiers. Il ne s’est même pas rendu compte que « la profondeur du trou d’où il a tiré les Malinkés » était la même pour tout le pays. Dans tous les domaines. Sinon, il n’aurait jamais pris le jardin d’acclimatation de l’hôpital national Ignace Dean pour en faire un hôtel cinq étoiles. S’il s’y était pris autrement, il se serait rendu compte qu’en 2011, quand il prenait les rênes du pouvoir, la capacité d’hospitalisation en cardiologie était de 14 lits pour toute la Nation. Et qu’en règle générale, les hôpitaux du pays comptaient au bas mot, trois lits pour dix mille habitants. Aussi, le jeudi 2 avril, Alpha Condé a-t-il réuni les médecins qui se battent pour s’enrichir avec le nouveau virus, pour leur dire qu’au cas très probable où l’hôpital Donka, rénové sous ses auspices, manquerait d’espace pour accueillir les pauvres victimes de COVID-19, il mettrait l’hôtel Onomo à leur disposition. «Un président ne devrait pas dire ça.» En tout cas, par ces temps qui courent, il n’y a pas que le confinement que le coronavirus qui chasse les clients des hôtels.

DS