Inutile de dire que la pandémie coronavirus qui sévit dans le monde secoue aussi les économies des pays. La Guinée où la barre de 1 000 cas a été franchie n’est pas à l’abri de cette crise. Le secteur agricole, particulièrement. Surtout la filière pomme de terre qui est sérieusement affectée. La réduction de la mobilité des citoyens à l’intérieur du pays surtout vers les marchés hebdomadaires et la fermeture des frontières en sont les principales causes.
Moussa Para Diallo, président de la Fédération des Paysans du Fouta-Djallon, qualifie la situation de catastrophique, parce que la production est là, même si tout le monde n’a pas fini de récolter. Selon lui, il y a actuellement 4 000 tonnes de pomme de terre dans les magasins réfrigérés et 1 000 tonnes dans les non réfrigérés. «Les commerçantes essayent de vendre tant soit peu, mais cela ne résout pas le problème. Ce n’est pas seulement la fermeture des frontières, c’est surtout la fermeture des marchés hebdomadaires à l’intérieur du pays qui empêche les gens de se mouvoir correctement. Nous avons un emprunt bancaire à hauteur de 25 milliards au niveau des différentes banques et auprès d’autres fournisseurs. Les paysans risquent de ne pas récupérer le montant, pour pouvoir nourrir leur famille. Nous avons un problème de trésorerie pour pouvoir tourner correctement les chambres froides. Il faut savoir que ces chambres froides consomment autour de 800 litres de gasoil par nuit. Donc, nous avons de sérieux problèmes, il faut aussi payer l’équipe technique qui nous accompagne. Ils ont vendu le sac de pomme de terre à 125 000 FG à Conakry, mais c’est pratiquement le prix de revient».
En raison de « la panique et de la méfiance des uns et des autres, il est également difficile de commercer. Le gouvernement a demandé à chacun d’observer les meures barrières dont le confinement. Ce qui est normal, mais le retour du bâton sera catastrophique pour les producteurs que nous sommes». Même s’il y a des discours, Moussa Para doute fort d’un accompagnement réel. «Certainement le gouvernement a pris des mesures essentielles, je ne sais pas s’il a pris en compte les paysans. Je rappelle qu’en 2007, nous avions eu un problème. On s’est adressé au gouvernement, nous n’avons jamais obtenu quelque chose. En 2014, il y a eu Ebola, on n’a jamais eu quelque chose. Avec la maladie de mildiou, nous avions envoyé des lettres, encore rien, absolument rien. Nous sommes toujours les parents pauvres dans cette de telle situation de crise. Quand je le dis comme ça, ce n’est pas facile. Ils nous accompagnent bien sûr sur autre chose, mais sur la pomme terre, il n’y a pas grand-chose ». Pour aider les producteurs de la pomme de terre à s’en sortir, le président de la Fédération des Paysans du Fouta-Djallon demande au gouvernement d’aller vers les banques auxquelles la Fédération a pris des crédits, en vue de négocier le taux d’intérêt, voire l’annuler, puisque le gouvernement y dispose un intérêt, à travers la banque centrale. Il estime aussi que le gouvernement va accompagner sa Fédération «pour payer les paysans. » Il a une autre solution. Pour lui, le gouvernement « peut prendre la pomme de terre, l’envoyer dans les garnisons militaires, et rembourser les montants aux producteurs ». Sinon, Moussa Para craint de perdre l’essentiel de la pomme de terre. «Il ne faut pas accepter qu’une filière nationale prenne de l’eau comme ça. Ce n’est pas seulement en Guinée, partout ailleurs, on a appuyé les filières nationales».

Mamadou Adama Diallo