Le coronavirus a cloué toute l’économie mondiale. Or notre bled à économie fragile dépend largement de l’exploitation minière. Même si à date, le secteur minier n’a enregistré qu’un cas de Covid-19, il n’y a aucune garantie que le secteur ne sera pas touché. Surtout que le nombre de cas positifs ne fait qu’exploser en Guinée. Hervé Lado, économiste et Country manager pour la Guinée du Natural Resource Governance Institute (NRGI) a un plan en trois poings, pour sauver les acquis de la goubernance minière.

“Au premier trimestre 2020, la production et les exportations minières ont été globalement épargnées par la pandémie, et les recettes minières préservées. En effet, les statistiques du T1 2020 publiées début mai par le Ministère des Mines et de la Géologie confirment le maintien de la progression des exportations de bauxite, malgré un ralentissement par rapport à la tendance observée depuis trois ans (+6% à la fin du T1-2020, contre +31% au T1-2019 et +49% au T1-2018).” NRGI formule trois recommandations que voici :
“1. Utiliser d’éventuels nouveaux soutiens financiers extérieurs du pays pour restaurer les autres secteurs de l’économie, et considérer une relecture des accords de prêt adossés aux ressources minières. Si le secteur minier sort du T1 2020 globalement sauf, il n’en est pas de même des autres secteurs de l’économie dont l’état de détresse laisse entrevoir pour 2020 un effondrement des recettes globales de l’Etat. La Guinée devrait utiliser d’éventuels appuis extérieurs supplémentaires pour réhabiliter en priorité les secteurs qui emploient massivement et créent de la valeur. Les autorités devraient également considérer une relecture de l’accord-cadre de 20 milliards d’USD conclu avec la Chine en 2017 et dont les remboursements doivent démarrer en 2022 grâce aux recettes minières. En rendant public les termes de cet accord et l’état de son exécution, le gouvernement permettra à l’ensemble des parties prenantes du secteur de contribuer utilement à la réflexion. Plus largement, NRGI a esquissé des pistes de solutions pour les pays pétroliers et pour les pays miniers.
2. Négocier dès maintenant avec les collectivités locales un lissage sur plusieurs années des dépenses actuelles du FODEL (Fonds de développement économique et local) et du FNDL (Fonds national de développement local), en étant transparent avec elles sur le fait que les dotations annuelles pourraient substantiellement baisser à partir de 2022. D’après le bulletin statistique du T1 2020 du MMG, 123 milliards de GNF (~13 millions d’USD) ont été reversés depuis 2019 par les entreprises aux collectivités minières au titre du FODEL, dont 72% effectivement engagés dans un millier de projets de développement local. Au titre du FNDL, c’est 191 milliards de GNF (20 millions d’USD) qui ont été transférés par l’Etat (l’ANAFIC) à l’ensemble des collectivités du pays pour 791 projets, soit 40% du budget FNDL prévu dans la loi de finances rectificative du 04 septembre 2019. Compte tenu de l’effet négatif éventuel du COVID-19 qui affecterait ces fonds avec une année de décalage, c’est le moment de se souvenir que les dotations 2019 du FODEL et du FNDL étaient particulièrement élevées parce qu’elles contenaient des sommes impayées aux collectivités depuis 2015, et de travailler avec l’ANAFIC à la recherche active des solutions structurelles au risque de dépendance des collectivités locales guinéennes vis-à-vis des revenus miniers.
3. Créer et entretenir des espaces innovants de communication et d’échanges à distance avec les parties prenantes du secteur minier, en particulier la société civile. Nombre d’activités relatives à la transparence, à la redevabilité et à la participation citoyenne sont à l’arrêt, notamment les nombreuses rencontres de concertations habituelles entre parties prenantes qui incitent à communiquer et à rendre compte en temps réel. Les acteurs de la société civile seront d’autant plus sensibles à de tels efforts en faveur de la gouvernance qu’ils vivent durement les mesures restrictives qui impactent directement leurs activités habituelles de concertation, de formation et de plaidoyer. Dans cette perspective, les efforts du Ministère des Mines et de la Géologie pour publier rapidement le bulletin des statistiques minières T1 2020, incluant pour la première fois les paiements relatifs aux fonds reversés aux communautés, sont à saluer. Il convient en effet de prendre acte que la crise sanitaire actuelle, qui pourrait durer ou se renouveler, commande de penser de nouvelles manières de travailler. Afin de préserver les acquis de la Guinée en matière de gouvernance minière, le gouvernement gagnerait à produire et publier le rapport ITIE 2018 d’ici juin 2020 comme initialement prévu et malgré les circonstances. Par ailleurs, le moment est propice pour poursuivre la digitalisation de l’administration minière par la tenue à jour de sites web officiels avec des informations sur le dispositif légal et réglementaire du secteur minier (y compris décrets et arrêtés) et les données actualisées sur les activités et projets miniers. Une transparence accrue dans cette période particulière permettrait aux parties prenantes de mieux appréhender et soutenir les réponses du gouvernement face au COVID-19 dans le secteur, y compris d’éventuels ajustements dans la collecte, la redistribution et l’allocation des revenus miniers.”
4. Plus de détails sur https://afrique.latribune.fr/think-tank/tribunes/2020-05-21/coronavirus-en-guinee-trois-recommandations-pour-sauvegarder-les-acquis-de-la-gouvernance-miniere-847829.html