Silencieux depuis de nombreux mois, Koutoubou Sanoh, ancien ministre conseiller d’Alpha Grimpeur, est sorti de sa réserve pour s’exprimer sur la situation alarmante du pays. Dans cette tribune, le futur Vieux Koutoubou appelle à un sursaut des institutions traditionnelles afin de préserver la paix. Lisez !
Depuis un an environ, notre cher pays est à la croisée des chemins. Il est secoué par une crise à la fois très profonde et très inquiétante. Son avenir très prometteur est plus que jamais en jeu. Son tissu social très soudé est profondément menacé. Son décollage économique très confortable est incontestablement compromis ! Cette crise est à la fois politique, sociale et économique. Et pour cause, le déficit de confiance entre les acteurs politiques et sociaux qui s’accentue vicieusement. La pauvreté extrême se repand au sein de la population de façon extraordinaire !
Pire, cette crise se serait soldée par la perte cruelle et brutale d’innombrables vies humaines et par la destruction inadmissible de biens publics et privés dont les quantités et les valeurs sont très considérables. Malheureusement, les malfrats qui ont arraché à notre affection les vies humaines innocentes n’ont jamais été, de nos jours, ni traqués ni inquiétés ! À l’évidence, ces criminels de grands chemins continuent à s’évaporer dans la nature, alors que les parents endeuillés ne cessent de pleurer, nuit et jour, leurs chers enfants. Ces parents désespérés croient au moins, fermement en la justice divine pour punir les hors-la-loi, dans l’au-delà !
Incroyablement, les bandits qui ont vandalisé et détruit les biens publics et privés n’ont jamais été arrêtés ou punis, à la hauteur de leur forfaiture ! A cause de cette impunité, qui s’est installée dans notre pays, ces malfaiteurs continuent à faire leur loi dans la cité, alors que leurs souffre-douleurs sont condamnés à l’éternel recommencement pour se refaire une nouvelle vie de dignité, dans l’honneur. Invraisemblablement, les pouvoirs publics, dotés de tous les moyens logistiques et juridiques, tardent à s’acquitter de leurs devoirs les plus régaliens et les plus sacrés, ceux de protéger les vies et les biens de la population et de traduire en justice les assassins et les brigands !
Cependant les hommes en robe considèrent l’impunité comme un délit en soi parce qu’elle revêt soit un refus volontaire d’appliquer la loi pour des considérations inavouées, soit une négligence notoire de faire appliquer la loi pour des excuses inacceptables et inadmissibles.
Ceci dit, les pouvoirs publics devraient en finir avec l’impunité qui règne dans notre pays, déjà, des années durant. Les populations particulièrement les victimes ont tout le droit de voir les assassins de leurs enfants jugés et condamnés ! Le temps ne devrait pas être d’échanger les accusations entre les protagonistes ou de dénoncer et condamner la violence, mais d’appliquer et faire appliquer les lois de la République en vue de sauver les vies et de protéger les biens. Les populations paisibles ne devraient plus s’occuper à enterrer les nouvelles victimes des affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre ! Le temps devrait être désormais de mettre fin au règne des opportunistes qui font, de nos jours, à qui mieux leurs affaires, alors que le pays est plongé dans la tourmente et dans la discorde ! Le temps devrait être également consacré à se débarrasser des extrémistes qui, alors que notre chère patrie s’enfonce, croient vivre les moments les plus agréables et les plus magnifiques de leur existence. Malheureusement ces individus agités, ennemis de la prospérité partagée, ne se gênent plus de faire l’apologie du crime en encourageant l’affrontement et la violence entre les filles et les fils du pays !
Oui, face aux attaques et aux intrigues de ces individus inconscients, nullement soucieux de l’avenir de la nation, le temps devrait être certainement de suivre et d’appliquer religieusement les initiatives et suggestions des défenseurs de la justice et des promoteurs de la cohésion et de l’entente entre les communautés ! Evidemment, il n’est pas surprenant, de nos jours, de voir ces imposteurs de tous les pouvoirs tout faire pour empêcher toute démarche ou toute initiative visant à sauver le pays à travers l’ouverture effective et urgente d’un dialogue inclusif, franc, transparent et sincère entre les protagonistes !
Oui, les acteurs politiques et sociaux devraient avoir pitié du peuple de Guinée et faire toute la violence nécessaire sur leur ego et leur orgueil ! Car, il ne sert à rien moralement et humainement de continuer à endeuiller de nouvelles familles ! Si les écritures saintes et les conventions universelles considèrent unanimement la vie humaine comme étant une chose sacrée et inviolable, il n’y a pas de raison que les protagonistes ne privilégient pas le dialogue afin de sauver les vies et de protéger les biens. Si l’amélioration des conditions de vie de la population est toujours citée comme l’objectif ultime recherché par les acteurs politiques et sociaux, il va de soi de dire que ces acteurs devraient moralement et logiquement renoncer à toute forme de violence qui pourrait détruire ou mettre en danger les vies de la population !
Vu le déficit de confiance entre les deux camps opposés des mois durant, compte tenu de l’état d’âme des familles endeuillées et vu la probabilité de perdre d’autres nouvelles vies humaines, les acteurs politiques et sociaux sont appelés plus que jamais d’accepter de donner une chance à nos institutions traditionnelles, afin de leur permettre d’entreprendre un nouveau dialogue inclusif, franc, transparent et sincère pour résoudre la crise. Ces institutions traditionnelles ne sont autres que le collège des hommes de Dieu et les coordinations de sages. Ces institutions traditionnelles sont indispensables pour le maintien de la paix, la restauration de la confiance et la réconciliation des enfants du pays. Elles pourraient être épaulées par les institutions républicaines telles que le Médiateur de la République et le Conseil Économique et Social en vue de mieux structurer et de mieux coordonner les débats.
Oui, si les pouvoirs publics auraient récemment rejeté toute intervention voulue par ces institutions pour des raisons qui leur sont propres, il est à présent temps pour ces pouvoirs publics de revenir sur cette position jugée étrange et inhabituelle. En tout cas, comme on aime à le dire, il n’est jamais trop tard pour bien faire, surtout quand il y va de l’intérêt supérieur du pays et de ses populations. Cela est dû au fait que c’était grâce aux efforts inlassables de ces institutions que les élections législatives de 2013 ont pu avoir lieu après des années dures de contestation et de manifestation!!
Par ailleurs, il faut se souvenir que c’est grâce au rôle éminent de ces institutions traditionnelles que les leaders politiques, victimes des massacres du 28 septembre 2009, ont été libérés dans la même nuit. Ces institutions étaient omniprésentes dans la résolution des différentes crises politico-sociales pendant les 24 années de régime du général Lansana Conté (Paix à son âme). En tout état de cause, ces institutions ne devraient guère rester indifférentes face à cette crise qui continue à faire des victimes et à compromettre l’avenir de toute une nation. Elles devraient prendre leur responsabilité religieuse et morale, celle de dire la vérité, toute la vérité à tous les acteurs politiques et sociaux et de dénoncer les tares qui gangrènent notre société, quel qu’en soit leur origine.
De par leur formation, leur statut social et moral et de par leur crainte du Seigneur et de leur sagesse, ces institutions sont obligées de défendre la justice et la vérité et d’être honnêtes et sincères dans leur démarche. Certes, elles ne craindront point que le Seigneur dans l’exécution de leur devoir de réconciliation entre les acteurs. Evidemment, l’implication de ces institutions dans la résolution de la crise actuelle reste le dernier espoir pour éviter la régionalisation et l’internationalisation de la crise guinéenne qui devrait être normalement réglée au niveau national !!
L’espoir est permis de voir incessamment ces institutions traditionnelles réussir dans cette mission si exaltante et si nécessaire. L’espoir est fortement permis de faire échouer l’agenda caché des opportunistes et les agitations inavouées des extrémistes, afin de ramener l’entente, la concorde et l’acceptation des différences dans la cité.
Je termine cette dix-septième tribune par le dicton d’Albert Einstein,: « Les personnes faibles se vengent, les personnes fortes pardonnent et les personnes intelligentes ignorent ». Puisse le Seigneur venir au secours de la population guinéenne et protéger notre chère patrie ! Amen
Par Pr Koutoubou Sanoh