Le lundi 15 juin, les membres du Front National pour la défense de la constitution sont montés sur la braise pour annoncer la reprise des manifs sur toute l’étendue du territoire national, à la date du 8 juillet prochain. Une décision qui est appréciée différemment au sein de la classe politique en cette période de crise sanitaire du bled.
Sékou Doré, activiste de la société civile et président du Réseau Afrique Jeunesse RAJGUI, affirme que la reprise des manifs par le FNDC n’est pas une surprise, la manifestation étant un droit reconnu par la constitution. Mais en tant qu’acteur de la société civile, «nous défendons la cause des citoyens. Aujourd’hui, nous connaissons tous la situation sanitaire que nous traversons. Et cela freine l’exercice de certaines de nos libertés. Raison pour laquelle nos écoles sont fermées, les aéroports et même les lieux de cultes, tout est au ralenti depuis près de deux mois. La manifestation est légale, mais les conditions sanitaires du pays ne nous permettent pas d’aller vers l’organisation d’une manifestation. Nous demandons au FNDC de surseoir à toute volonté de manifester jusqu’à la fin de cette pandémie » recommande-t-il. Avant d’ajouter : «Après cette pandémie, personne ne pourra interdire au FNDC de manifester. A supposer que quelqu’un parmi les manifestants soit positif à la COVID-19, forcément quand il y a attroupement, il y a contamination. Qui sait jusqu’où ira cette chaine de contamination ? » Selon cet activiste de la société civile, si le FNDC est là pour défendre la voix des sans voix, alors, « nous les supplions d’attendre la fin de la pandémie pour donner une quelconque date de manifestation. A présent, notre ennemi commun, c’est coronavirus. Ensemble, combattons-le, afin qu’il soit éradiqué totalement de nos vies».
Du côté de la mouvance pestilentielle, la nouvelle est accueillie avec plus d’amertume encore. Selon Sékou Nana Sylla, membre de la cellule de communication de la mouvance pestilentielle, le droit de manifestation est consacré dans la nouvelle constitution guinéenne. Mais il trouve anormal que le FNDC qui ne reconnait pas la nouvelle constitution, parle d’organiser des manifs pour réclamer quoi ? « Comment est-ce qu’un groupe de compatriotes qui ne reconnait pas une constitution peut dire qu’il va se conformer aux lois issues de cette même constitution pour organiser des marches ? C’est vouloir d’une chose et son contraire à la fois. »
Deuxièmement, «nous sommes dans un contexte de crise sanitaire, je pense que le regroupement n’est pas un facteur de lutte contre la pandémie. C’en est plutôt un facteur de propagation. On se demande sincèrement si le Front se bat pour l’intérêt du peuple ou pour son propre intérêt. »
De son côté, Nana Sylla n’est pas surpris, non plus, de l’annonce de la reprise des manifestations du FNDC. «Ils ont marché depuis toujours et sincèrement nous y sommes habitués ; ça ne nous ébranle guère. Leur spécialité, c’est la marche. J’ai compris que la vie de leurs militants ne signifie rien pour eux », conclut-il.
Côté FNDC, on reste droit dans ses bottes. Abdoulaye Oumou Sow, chargé de communication du mouvement, a réitéré la décision de reprendre les manifestations le 8 juillet prochain. Pour lui, ceux qui prétendent avoir prolongé l’état d’urgence ne sont pas reconnus par le peuple de Guinée. En réalité, ce qui sert de Parlement n’est que le bureau politique du RPG qui a prolongé l’état d’urgence. Il ne peut pas imposer quelque chose au peuple de Guinée. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a un événement qui va se passer le 8 juillet prochain. Aujourd’hui, il y a plus de 280 personnes en prison. Vous pensez que si ce pouvoir se souciait un peu de cette pandémie, il allait arrêter toutes ces personnes qui sont aujourd’hui, avec tous les risques, dans ces prisons où il y a plein de malades du coronavirus».
Il rappelle que la première structure à sensibiliser contre cette pandémie a été le FNDC. Et la première personnalité à livrer un message de sensibilisation, le diffuser dans les médias ou via les réseaux sociaux, c’est le coordinateur national du FNDC. « Il l’a fait avant tout le monde, bien avant cette mascarade électorale parce qu’il était soucieux de la santé de la population. Celle-ci est suffisamment mature. Nous allons utiliser les bavettes et les mesures de précaution, parce qu’elles sont la principale recommandation de l’OMS. Les bavettes seront portées ; en plus, nous aurons une force répressive en face. Et nous savons tous que quand le gouvernement veut, il peut y avoir des marches pacifiques, » conclut-il.
Kadiatou Diallo