Par Abdoulaye Oumou Diallo
Je n’étais pas sensé t’écrire cette lettre camarade. Ça, tu sais bien que je suis conscient que ce n’est pas la prison qui diminuera ta détermination, ni ta soif de liberté, de justice pour le peuple martyr de Guinée. Mais plutôt à travers cette note, je voudrais m’adresser à la jeunesse guinéenne pour témoigner de notre désintérêt dans cette lutte citoyenne que nous menons au prix du sacrifice ultime, afin de rendre justice et la dignité du peuple confisqué par un clan mafieux sans vergogne. Je t’écris pour rappeler nos traversées dans les confins du Sud de la Guinée pour installer et valider les antennes du Front National pour la défense de la Constitution (FNDC) dans la région de la Guinée forestière.
« On peut tuer le révolutionnaire, mais jamais la révolution ». Oui je me rappelle bien cette phrase que tu me prononçais à chaque fois que nous tombions dans les bourbiers de la forêt. Tu me disais : « Oumou, c’est pour la République, c’est bien pour la patrie, aucun sacrifice n’est de trop. »
Pendant plus d’une semaine, nous avons traversé les villes de Lola, Yomou, Beyla, N’Zérékoré, Macenta, Guéckedou, Kissidougou et Faranah pour valider les antennes du Front National pour la défense de la Constitution (FNDC). Souvent nous avons fait des nuits dans notre véhicule, dormi à des stations-service pour repartir le lendemain. La traversée n’a pas été facile en période hivernale. Mais l’état-même de nos routes nous encouragent à continuer le chemin, pas parce qu’il était bon, mais parce que nous apprenons à nos dépens que les neufs ans de gouvernance n’ont pas apporté grand-chose à nos populations de la Guinée profonde. Chaque ville, district ou sous-préfecture que nous traversions, les habitants nous témoignent du désespoir qu’ils éprouvent de la gouvernance actuelle.
J’avoue que celà n’a pas été facile pour nous, mais nous avons éprouvé à chaque moment l’envie de continuer et écouter le maximum de personnes possibles.
Bientôt, un an depuis ce périple difficile, mais plein de découvertes des réalités que vivent les populations de la Guinée profonde. A nos dépens, nous avions rencontré des populations dans la détresse qui abandonnent les plantations d’hévéa dans la zone de Yomou, simplement parce que l’Etat avait décidé de rendre pauvres les citoyens de la zone, en sabotant le prix du caoutchouc pendant cette saison-là. Nous avions écouté des planteurs qui étaient dans le regret d’avoir détruit leurs champs de café au profit de la culture d’hévéa, parce que le gouvernement avait vendu le rêve de gains dans la culture du dernier par rapport au premier. Des planteurs qui ne savaient plus ce qu’il faut faire, car obligés d’abandonner les champs dont l’entretien coûte de plus en plus cher.
Aujourd’hui, des champs de café ont été abandonnés et les espoirs de milliers de planteurs dans la zone sont dissipés. Cet épisode n’est qu’une partie des souffrances des populations de notre pays. Notre pédagogie a été toujours d’expliquer aux citoyens, qu’il est de leur responsabilité d’être plus exigeants vis-à-vis de nos gouvernants, car de toute façon, chacun d’entre nous contribue dans les caisses de l’Etat en payant l’impôt pour faire vivre nos gouvernants. Donc, nous devons être plus exigeants, en obligeant ces derniers cette redevabilité.
Mon cher ami et camarade de lutte citoyenne. Cette lutte, nous la menons parce que nous avons prêté serment de servir la République, même au prix du sacrifice ultime pour défendre nos acquis démocratiques, pour le bien de la patrie. C’est pourquoi, malgré les intimidations, les emprisonnements, rien ne peut ébranler notre détermination à continuer ce combat citoyen pour le bien de la République.
Cher camarade, je répète cette citation de l’artiste Jean Louis Barrault qui rappelait aux opprimés la poursuite de la lutte pour la démocratie et la justice : « La dictature, c’est ferme ta gueule; la démocratie, c’est cause toujours. » Et voilà que tu apprends à tes dépens que nous sommes en pleine dictature, pour avoir simplement demandé la libération des citoyens injustement arrêtés et incarcérés dans les geôles de cette dictature.
Cher camarade, à ma sortie de prison, tu m’as dit : « Nos frères qui sont tombés pour la liberté et la justice, nous ont légué un défi incommensurable. Celui de lutter jusqu’à la victoire finale, pour que plus jamais une dictature ne s’installe dans notre pays. » Tu me disais sans cesse : « Rassure-toi, camarade, la lutte sera très difficile, mais le peuple sortira victorieux de cette bataille pour la justice et l’alternance démocratique. »
C’est pourquoi, je veux en ton nom, dire à la jeunesse guinéenne que cette démocratie dont on parle tant, ne s’octroie pas, mais s’arrache au prix de beaucoup de sacrifices et d’abnégation. La lutte du FNDC pour atteindre cet idéal, qui est aujourd’hui une valeur collective que par une prise de conscience de notre état actuel. C’est pourquoi depuis le début de la lutte, nous prônons la morale, en rappelant toujours nos textes de loi, mais aussi l’amour et la non-violence.
Comme le disait Gandhi, « le vrai démocrate est celui qui, grâce à des moyens purement non-violents, défend sa liberté, par conséquent celle de son pays et finalement celle de l’humanité tout entière. Cette démocratie devrait assurer aux plus faibles les mêmes opportunités qu’aux plus forts. »
Mon cher compagnon, à ton nom, je dis à la jeunesse guinéenne que le changement ne s’obtiendra que si chacun d’entre nous se sent redevable à notre pays, au nom de la stabilité, la justice et la paix pour nos pauvres populations. La bonne volonté de chacun d’entre nous doit être porteur du salut, du bonheur et des nouvelles valeurs. Chacun de nous est obligé de sortir de son orgueil, de ses prétentions personnelles pour symphonie collective pour le bonheur collectif. Notre nombre demeure notre force.
Eh bien voilà, chers camarades, commençons par nous aider nous-mêmes par la défense de la République. Seul pour la patrie, notre sang mérite de couler, car malheureusement nous avons des sangsues en face aujourd’hui. Battons-nous ensemble pour obtenir la justice et la paix pour la Guinée des mains du despote qui est en train de tuer les plus jeunes d’entre nous.
Pour toutes les victimes de la répression à travers le pays, le combat continuera, car nous sommes conscients que le régime autocrate de M. Alpha Condé profite de la pandémie du Coronavirus pour faire taire les critiques et resserrer son emprise politique. Nous devons continuer ce combat, car seule la démocratie permet à la société civile d’être indépendante, les femmes et les jeunes de s’épanouir, à la presse d’être libre et seule, elle peut instaurer l’équilibre entre nos besoins. Jeune de Guinée. Débout pour la patrie. La victoire pour la République est à portée de main.
Ton ami Abdoulaye Oumou Sow Journaliste/Blogueur et Responsable de la Communication du FNDC