Le 9 juillet, la Cour de justice de la CEDEAO a condamné la Guinée à verser 47 500 000 dollars à titre d’indemnisation à la société K-Energie SA pour violation des droits de propriété de l’entreprise en la privant de l’usage de ses biens.
Dans sa requête déposée devant la Cour le 23 avril 2018, les plaignants ont soutenu que leurs droits à la propriété, garantis par la Charte des droits de l’homme et des peuples, ont été violées. La Cour a ordonné la restitution de tous les biens de la société : bureaux, centrales électriques à turbines mobiles, transformateurs et autres appareils nécessaires à la production et à la distribution de l’électricité. La Cour a cependant rejeté toutes les autres demandes du sieur Ibrahima Kassus Dioubate, le directeur général et actionnaire de la société. Il avait demandé une petite misère de 500 millions de dollars de dommages et intérêts.
Le 12 septembre 2017, Kassus Dioubaté avait saisi le tribunal de première instance de Kaloum contre Alexandre Sam Zormati pour abus de biens sociaux, faux usage de faux en écritures privées et faux en écriture publique et escroquerie. Selon Kassus Dioubaté, l’Etat guinéen avait signé un contrat de fourniture d’électricité avec K-Energie et Miami Capital Holding Corporation en 2014. En 2015, une banque de la place a ouvert une ligne de crédit pour K-Energie pour payer la somme de 51 millions de dollars représentant la valeur des turbines que celle-ci avait achetées. En janvier 2016, Alexandre Zormati a créé une nouvelle société, Miami capital group corporation, avec l’adresse que la société Miami capital holding corporation avait créée en 2014 pour faire transférer la propriété des turbines à sa nouvelle société à l’aide d’un faux titre de propriété et d’une fausse attestation, accuse Kassus. Sauf qu’à l’issue de l’information judiciaire, le juge avait rendu en février 2017 un non-lieu en faveur du prévenu. Kassus Dioubaté et K-Energie avaient été renvoyés à mieux chercher à encaisser des pourboires.
Tout cela n’a eu qu’un effet, celui de plonger la Guinée dans le noir. Sam Zormati ou Kassus Dioubaté, les Guinéens s’en balancent, ils veulent le courant et rien d’autre. La Cote d’Ivoire roule avec un taux d’électrification de 70% du territoire contre 30 % en Guinée. La lumière a foutu le camp. A sa place, l’obscurité est venue, accompagnée d’émeutes et de violences. La dernière manifestation contre l’obscurité ne date pas de cette époque-là, mais de ce 7 juillet à Kankan, le fief du Prési Alpha Grimpeur. « On veut du courant ! », scandaient les jeunes manifestants. En toute innocence. Plusieurs centaines parmi eux ont sillonné les rues de la ville de Kankan, pour protester contre les coupures d’électricité. La circulation a été paralysée ; plusieurs commerces fermés. Ces récalcitrants réclament un barrage hydro-électrique pour Kankan. Ils ne veulent plus de groupes électrogènes. Avec leur lot de détournements et d’incertitudes. Le Sotikémo n’a rien pu faire, lui qui voulait que les jeunes restent tranquilles pour attendre que le courant tombe du ciel. Mamadou Kaba, le chargé de la communication des manifestants, reste droit dans ses bottes : « Nous n’allons pas nous laisser faire. S’ils veulent, qu’ils nous maudissent. Il faut que la notabilité sache que la lutte que nous menons s’inscrit dans l’intérêt de tous ».
Le vendredi 10 juillet, autorité et notabilité de Kankan ont organisé une lecture du Saint Coran pour qu’Allah donne les moyens d’électrifier la région à Alpha Grimpeur. Sauf que Karamô Bangaly Kaba, grand-imam ne digère pas : « Il faut que les fils de cette région qui sont dans le gouvernement, les Bourema Condé, Mohamed Diané et autres, amènent le président de la République à réaliser des infrastructures comme un barrage hydroélectrique ici. Malheureusement, nous constatons qu’aucun fils de cette région n’est dans cette dynamique-là. C’est dommage ! La jeunesse réclame seulement le courant ».
Pour ne rien arranger, les travailleurs d’EDG projettent une grève générale à partir du 14 juillet. Quand le calme reviendra, la Guinée aura certainement fini de verser ce petit montant de 47 500 000 de dollars dans les caisses de K-Energie. Dans la paix et la quiétude.

Oumar Tély Diallo