Embêté par une crise politique depuis qu’il a exprimé sa de ferme volonté de tripatouiller la Constitution afin de prolonger son bail à Sékhoutouréyah, Alpha Condé fait face à un nouveau problème: celui des délestages électriques, aussi bien à Conakry que dans les villes de l’intérieur. Depuis 2015 et la mise en service du barrage de Kaléta, le chef de l’Etat, Taliby Sylla (ex puissant ministre de l’Electricité) et tous les autres cadres qui rodaient autour clamaient avec fracas que les temps du tour-tour sont révolus. Mais, c’est tout le contraire qui se produit. Malgré un ‘’investissement’’ de plus de trois milliards de dollars américains, dit-on, même la capitale Conakry n’a pas fini avec les délestages, à plus forte raison les autres villes. Le pays est plongé dans l’obscurité, et par ces temps qui courent, les esprits s’échauffent.

A Conakry, c’est une histoire de grève générale et illimitée des travailleurs d’EDG, électricité de Guinée, qui plombe l’entreprise. Ils avaient prévu de cesser toute activité à partir du 14 juillet pour amener les responsables, qui refuseraient de recevoir la délégation du collège syndical d’EDG et de débattre des problèmes de l’entreprise à revoir leur position. Stratégie payante en fin de compte, la direction ayant finalement accepter de reprendre les discussions le 12 juillet. Les travailleurs dénoncent un ‘’refus’’ du directeur général d’appliquer le protocole d’accord signé, le 27 août 2019 entre Veolia et le collège syndical de l’EDG, les nominations fantaisistes des directeurs de départements en dehors du personnel de l’EDG. Ils pestent également contre ce qu’ils appellent la modification du statut particulier de l’entreprise.

Dos au mur, Alpha Condé chercherait déjà à gérer les courts-circuits. Il aurait profité du week-end pour réunir les protagonistes autour de lui. Collège syndical, conseil d’administration et direction générale auraient alors planché devant le Président sur les sujets qui fâchent. Décision a été prise de créer, comme d’habitude, une commission mixte, qui travaillerait à ramener la sérénité au sein de l’entreprise.

Le domaine de l’électrification du pays est par contre loin d’être un long fleuve tranquille pour Alpha Condé. Bernés par les fausses promesses ces dix dernières années, les citoyens de la Haute-Guinée, bastion historique du RPG arc-en-ciel, veulent se rattraper. Ils ne demandent ni plus ni moins l’électrification de la région. Kankan a ouvert le bal avec trois semaines de protestations. Trois manifestations dont l’une a été violemment dispersée. Les jeunes de Kankan devaient à nouveau battre le pavé le mardi 14 juillet pour réclamer le courant dans les ménages. Ils juraient de continuer à mettre la pression sur le pouvoir jusqu’à ce qu’ils obtiennent la construction d’un barrage hydroélectrique. Mais il semble que les ardeurs commencent à s’estomper. Entre tractations et intimidations faites par des proches du pouvoir et même par la «notabilité» de Kankan, les jeunes auraient commencé à reculer. Ils ont annulé la marche programmée cette semaine, sous prétexte que les lignes ont bougé: «Nous suspendons les manifestions de rue pour cette semaine. Les négociations entamées par les sages commencent à porter fruit. Ils nous ont promis de transmettre nos revendications au chef de l’Etat», explique le porte-parole du Mouvement Electrifions la Haute-Guinée. Sauf qu’au sein même du mouvement, certains affirment que leurs revendications sont satisfaites à 95% et que le courant commençait à revenir dans la ville. Le barrage réclamé, lui, attendra.

Alpha Condé est aussi décrié à Siguiri, un autre de ses fiefs. Là également, le même problème d’électricité se pose. Les militants ne gobent plus le fait pour eux de soutenir aveuglement le chef de l’Etat pendant toutes ces années et que leur ville se retrouve dans cet état. Là, c’est le mouvement «Siguiri avant tout» qui appelle les Suiguirinka à descendre dans la rue pour dénoncer les «fausses promesses» du président et réclamer l’eau et l’électricité dans la ville. Les images des banderoles des protestataires circulent déjà sur les réseaux sociaux: «Pas de courant, pas d’eau, pas de routes, pas de 3e mandat». Ce qui est clair…jusqu’à nouvel ordre.

Yacine Diallo