Conacrime s’est réveillée mercredi 15 juillet, avec la terrible nouvelle de la profanation, la veille, de la tombe d’Ahmed Sékou Touré, le tout premier président de la Guinée indépendante. Enterré au Mausolée de Camayenne, à quelques encablures de la Grande Mosquée Fayçal. Tout le monde a crié quasiment en même temps. Pour des raisons diverses et contradictoires. Sauf l’État. Le Secrétaire gênant par intérim du PDG, Oyé Béavogui, a fermement condamné. Et a promis châtiment et sévérité aux auteurs, commanditaires et complices. « Il s’est couché sur la tombe du président pour se livrer à ses actes de profanation avec des incantations et talisman qu’il versait sur la tombe…»
L’on a également entendu les indécrottables fanatiques du parti unique déverser leur bile sur les éternels ennemis du peuple de Guinée. Les halètements de Biro Kanté sont encore audibles : « Nous cherchons les causes. On ne s’arrêtera pas là. On ne laissera pas la police et la gendarmerie seules faire ce travail. S’il y a des complices, ils peuvent chercher à quitter la Guinée. Nous les recherchons, nous les pendrons s’il le faut, qui qu’ils soient, quels que soient leurs rangs, si on détecte des complices, non seulement, on les dénoncera, mais on les combattra. »
« Ils » auront certainement la vie sauve parce qu’ils appartiennent à la famille de Hadja Andrée Touré, l’épouse de feu le responsable suprême de la révolution, fidèle serviteur du peuple meurtri de Guinée. L’homme qui a réalisé l’exploit se nomme tout simplement Mohamed Chérif Camara, gendarme de profession. Ou de nom. Peut-être malade mental de son état. On serait mieux fixé si l’Etat avait décidé d’approfondir les enquêtes. Mais, jusque-là, il se fait plutôt tirer les oreilles pour accomplir cet impérieux devoir si l’on était sous d’autres cieux. Hélas, les manipulations, les soupçons et la haine ont encore de beaux jours devant eux dans l’histoire de notre pays!
En réalité, ce manque de volonté pourrait bien refléter la fâcheuse tendance de la Guinée indépendante à enterrer les valeurs républicaines avec les hommes et les femmes qui les ont incarnées. Comment voulez-vous punir les profanateurs de la tombe du premier président de la Guinée indépendante et confier aux oubliettes celles de ses précurseurs ? Comment montrer le plus vif intérêt à la pierre tombale des uns et ignorer jusqu’aux lieux des sépultures des autres ? Combien de Guinéens connaissent-ils la place éternelle des personnalités qui ont méthodiquement, intelligemment mené la lutte pour l’indépendance et la liberté du peuple de Guinée ? Si l’on a profané en silence la tombe de Sékou Touré, c’est que l’on n’avait pas accordé suffisamment de poids à celles de Yacine Diallo et Mamba Sano, nos premiers députés au Palais Bourbon. L’on n’ose même pas penser au sort qui a été réservé à la génération d’après, ensevelie presque toute dans des fosses communes. Et puis, qu’avons-nous fait de nos anciens présidents vivants, que dis-je végétant entre Paris et Ouagadougou ? A la limite, la profanation du 15 juillet ne saurait être qu’une affaire des plus banales.
DS