La marche du FNDC pour le départ d’Alpha Condé a été, une fois de plus, «diversement appréciée.» Entre l’échec total prôné par le pouvoir et le succès total exhibé par les organisateurs, il n’y a presque plus de place pour une troisième voie. La radicalisation a gagné la partie. Il faut dire que l’on est arrivé à s’y habituer à force de martellement, de manipulation et d’intoxication.
Voici ce que rapporte le communiqué du ministère de la Sécurité et de la Protection civile, de la bouche même de Damantang Albert Camara. «Dans l’ensemble, l’Administration, les commerces et les transports fonctionnent normalement. Toutefois, quelques actes d’incivisme ont été enregistrés dans certains quartiers de Conakry notamment à Koloma marché, la T8 et à Taouyah ainsi que dans certaines localités de l’intérieur du pays : Petel dans la Commune Urbaine de Mamou, Friguiyadi dans la Préfecture de Coyah, Baïlobaya et Kéïtayah dans la préfecture de Dubréka. Ces incivilités se sont traduites par des tentatives de barricades, le déversement d’huile de vidange sur la chaussée, des jets de pierres…Le Ministre de la Sécurité et de la Protection Civile invite tout un chacun au respect de l’ordre et de la loi dans un esprit républicain.»
Le soir, ces informations ont été complétées par d’autres qui ont fortement accentué l’impression de la cécité gouvernementale. Malgré les moyens mobilisés, la maîtrise des données laisse pantois. Même les caméras de surveillance, introduits pour la première fois dans ce genre d’opération, n’ont pu aider à déceler les nombreux blessés dont les photos circulent partout à Conakry, excepté dans les locaux du ministère de la Sécurité et de la Protection Civile de Coléah. Comme les hôpitaux d’Etat sont restés muets sur les blessés, le Gouvernement a conclu qu’il n’y en a eu aucun. Faisant fi de cliniques privées, oubliant les tracasseries des convoyeurs des blessés dans les centres hospitaliers publics, quand ce n’est de ceux qui y déposent des corps. Quand des cadavres sont séquestrés dans nos morgues, ce n’est pas sans arrière-pensées que l’on s’y dirige avec des brancards. Le bilan que le Gouvernement a fait de la marche du FNDC du 20 juillet à Conakry est tout simplement catastrophique.
Côté adverse, ce bilan est-il sans reproche ? Voyons ce qu’en dit le FNDC : «Le FNDC félicite et salue le courage des populations de Conakry et de ses alentours qui, malgré une pluie diurne et une forte militarisation des villes, ont répondu à l’appel du FNDC de ce lundi 20 juillet 2020. Il résulte de cette mobilisation la paralysie totale ou partielle selon les lieux à Conakry, Coyah et Dubréka.
Malgré le caractère pacifique de la manifestation, le sens élevé de civisme et de responsabilité des manifestants, les forces de défense et de sécurité ont, à nouveau, réprimé les citoyens en faisant usage des armes de guerre. Le triste bilan provisoire de cette répression féroce est d’au moins 20 personnes blessées dont 5 par balles et 2 dans un état très critique. Plusieurs dizaines d’arrestations ont également été enregistrées dont un groupe de femmes à Lansanaya. Comme à l’accoutumée, le Ministre en charge de la Sécurité tente d’occulter ce lourd bilan et de nier l’évidence de l’usage des armes de guerre contre les manifestants.
Le FNDC condamne cette énième récidive dans la violation flagrante des droits humains par le régime d’Alpha Condé qui continue de faire couler le sang des Guinéens et d’endeuiller des familles pour s’octroyer une présidence à vie. Le FNDC poursuivra la mobilisation jusqu’au départ d’Alpha Condé. Ensemble unis et solidaires, nous vaincrons!»
Les chiffres du FNDC sont certainement exacts. La description des faits également. La question qui crève les yeux tourne autour de l’atteinte des objectifs. Le départ de M. Alpha Condé est plus que souhaitable. Les raisons en sont nombreuses, elles jonchent les rues comme les ordures de Conakry qui empoisonnent la vie de la quasi-totalité des Guinéens. Mais Alpha, peut-on le contraindre à partir de Sékhoutouréya aussi longtemps qu’il réussira à confiner, bloquer ses principaux adversaires politiques chez eux ? Accordez-moi la liberté d’en douter.
DS